Frédéric Bardeau est président et co-fondateur de Simplon.co, une entreprise sociale qui forme gratuitement aux compétences et aux métiers du numérique. Son défi ? Mettre le pouvoir d’agir permis par le numérique au service des acteurs de l’économie sociale et solidaire, des personnes défavorisées et des territoires fragiles. Dans cet entretien, il nous fait explorer les métiers du numérique et nous donne ses conseils pour s’y engager.
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Le secteur du numérique a deux grands atouts. Le premier, c’est sa force de croissance. Le numérique est partout et touche tous les aspects de la société. Cela signifie que, partout, nous manquons de compétences et de personnes formées. Des acteurs comme Simplon n’existeraient pas si cette transformation numérique n’était pas à l’œuvre. Une autre de ses forces, c’est sa capacité à passer d’un numérique débridé, un peu “Far-West” pour tendre vers un numérique plus responsable et engagé sur les questions de diversité, d’inclusion, de fracture numérique, d’éthique mais aussi sur les enjeux d’impact écologique et de protection de la vie privée.
Nous devons faire en sorte que la transformation numérique ne laisse personne sur le bord de la route et ne soit pas délétère en termes d’impact social, écologique, politique et n’altère pas nos médias, nos opinions et l’information en général. Nous devons continuer à prendre le meilleur du numérique en assurant son pilotage de manière éthique. Pour emprunter l’expression du philosophe Bernard Stiegler, le numérique désigne à la fois “le remède et le poison”. C’est une solution à de nombreux problèmes mais c’est également une partie du problème. Par exemple, le numérique crée mais détruit aussi des emplois.
Nous devons faire en sorte que la transformation numérique ne laisse personne sur le bord de la route.
Chez Simplon, nous sommes engagés dans les domaines de l’inclusion, de la diversité et des compétences pour que le “manque de bras” bénéficie aussi aux personnes éloignées de l’emploi. Notre objectif ? Faire changer la sociologie des professionnels du numérique. En lien avec les valeurs et les convictions de la fondation Simplon, nous avons également des actions de sensibilisation à l’accessibilité au numérique, à la lutte contre la fracture numérique et à l’impact écologique du numérique.
La première raison est évidente : il y a du travail, bien rémunéré et la tension sur ces métiers permet aux candidats de choisir l’environnement de travail qui leur convient. En télétravail depuis la province ou même l’étranger, en freelance, dans une startup, une institution publique ou un grand groupe.Tous les cas de figure sont possibles quand on travaille dans le numérique !
La seconde, c’est l’opportunité offerte par la transformation numérique responsable. On a besoin de développeurs, de data-scientists et d’experts en cyber-sécurité mais dans ces métiers-là, les profils qui ont une maîtrise de l’éthique, qui font du numérique responsable, qui développent des sites accessibles aux personnes en situation de handicap ou encore qui mesurent l’impact écologique du numérique, c’est la “crème de la crème”. Non seulement ces compétences donnent du sens au numérique mais elles sont aussi extrêmement prisées sur le marché de l’emploi.
Le numérique est au cœur de ce qui fait l’époque.
Enfin, c’est parce que c’est là que tout se passe. Le numérique est à mi-chemin entre la transition écologique et la transformation sociale. Intellectuellement, c’est très stimulant de travailler sur ces enjeux-là.
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Aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir des compétences de base en numérique pour n’importe quel métier. Au-delà, il y a les domaines directement impactés par le numérique et qui se transforment à savoir les métiers qui ne sont pas nativement numériques mais qui se réinventent avec les innovations digitales comme le marketing, les RH ou encore la comptabilité. Enfin il existe plus de 150 métiers purement numériques, dans le gaming, le e-sport, le design, le community management, l’IA, la data, la cyber-sécurité…
Quel que soit votre profil, avec de la passion et du travail, aucun métier du numérique n’est inaccessible.
On pense souvent qu’il s’agit de métiers uniquement destinés aux bac +4 ou 5 mais ce n’est pas le cas : il y a des ingénieurs certes mais aussi des techniciens pour l’ensemble des métiers du numérique. En intelligence artificielle par exemple, au-delà des data-scientists, il y a une équipe de personnes qui préparent les données, font du machine learning, de la data-visualisation… Quel que soit votre profil, avec de la passion et du travail, vous pouvez y arriver. Aucun métier du numérique n’est inaccessible.
D’abord, il faut être motivé et passionné par les sujets liés au numérique. Il faut aimer résoudre des problèmes, être dans l’apprentissage permanent pour sans cesse se renouveler. Contrairement aux stéréotypes, il faut aimer le collectif car plus personne ne travaille seul dans le numérique.
Après il existe des compétences spécifiques à chaque métier. Un développeur doit par exemple avoir une pensée algorithmique. Les personnes qui manipulent la data doivent quant à elles aimer les chiffres et les personnes qui sont dans les réseaux sont des profils plus manuels qui doivent être habiles avec la manipulation de matériel technique. Les compétences sont très différentes et très variées dans le numérique.
Toutes les organisations sont impactées par le numérique et on a besoin de ces compétences aussi bien au sommet de l’Etat que dans les collectivités, les ONG, les TPE ou encore les associations et dans tous les secteurs : l’industrie, les services, l’agriculture, la santé… Il y a donc une multitude d’environnements et de méthodes de travail. Les modalités de travail et les réalités sont très différentes d’une organisation à l’autre et c’est toute la richesse de ce secteur : certains profils sont à demeure dans le service informatique d’une entreprise, d’autres en mission pour différents clients ou encore en “full remote” ou “digital nomades” en travaillant depuis chez eux, en France ou à l’autre bout du globe.
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Sur les aspects éthiques et sociaux, je suis un grand fidèle d”’InternetActu” un site de veille sur l’innovation dans le domaine des technologies de l’information et de la communication et de “La Fing (Fondation internet Nouvelle Génération)”, un poste d’observation incroyable sur les transformations numériques et leurs impacts. Le site de “La Grande École du Numérique” est également plein de ressources sur les métiers, leur accessibilité et les opportunités offertes par ce secteur. Je conseille également de suivre des hashtags sur Twitter, le réseau social de prédilections des profils tech. Il y a aussi des sites très “geek” comme “The Hacker News”. Côté podcast, j’aime beaucoup “Techologie” qui questionne les liens entre technologie et écologie.
Beaucoup de reconversions m’inspirent. Il y a les reconversions absolues, c’est-à-dire les personnes qui faisaient absolument autre chose et qui se sont formées, de manière autodidacte ou non, pour intégrer le secteur du numérique. Ces parcours, j’en vois tous les jours. Un exemple frappant c’est l’hôtesse de caisse qui se fait ubériser par la caisse automatique et qui après une formation se fait embaucher de nouveau par sa boîte de grande distribution comme développeuse.
Alliées au numérique, les expertises métiers regagnent en valeur.
Il existe également les reconversions liées au métier initial des individus. L’intelligence artificielle est en train de détruire de nombreux métiers dans le monde des services : les RH, le juridique, les finances… et dans le même temps, les profils numériques disposant de ces compétences sont très convoités. Par exemple, si un expert RH se forme aux enjeux numériques, il aura beaucoup de valeur sur le marché des systèmes d’information RH (SIRH). Alliées au numérique, les expertises métiers regagnent en valeur.
Le numérique ce n’est pas un domaine d’experts ou de théoriciens : pour être sûr que cela plaise, il faut expérimenter et faire par soi-même. Il existe de nombreux outils très ludiques comme “Scratch”, langage de programmation à vocation éducative, graphique très facile à manipuler ou “Codecademy”, plateforme pour apprendre gratuitement les bases de douze langages de programmation.
C’est très gratifiant de comprendre que les machines sont stupides et que c’est nous qui les dirigeons.
Mon conseil c’est vraiment de s’y mettre : le numérique ne s’explique pas, il faut le comprendre en expérimentant soi-même. C’est rapidement très gratifiant de comprendre que les machines sont stupides et que c’est nous qui les dirigeons.
Cet article vous a plu ? Allez plus loin dans l’exploration des métiers du numérique avec les témoignages
👉 D‘Olivier Malaguarnera, directeur de projets transformation numérique au sein du Département de l’Essonne
👉 De Samuel Goldszmidt, responsable de la Fabrique Numérique au Ministère de la transition écologique