Etude sur la semaine de 4 jours dans le service public

Dans le cadre de notre étude sur la semaine de 4 jours dans le service public, nous sommes allés à la rencontre des employeurs qui ont osé expérimenter de nouveaux aménagements du temps de travail dans leurs institutions. 

Coralie Delfosse, Directrice Développement et Transformation RH, nous parle de l’expérimentation menée au sein de l’Assurance Retraite Caisse Nationale.

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Semaine de 4 jours dans le service public

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Le défi RH à relever ?

L’expérimentation de la semaine de 4 jours s’est inscrite à l’agenda dans un contexte de sortie de crise sanitaire qui a sans conteste accéléré certaines mutations du travail (développement du travail hybride, nouveau rapport au travail, etc.). À l’instar d’un grand nombre de structures, la question s’est posée quant à la manière de répondre aux attentes grandissantes de flexibilité et d’équilibre des temps de vie, avec en toile de fond de forts enjeux en matière  de recrutement et de fidélisation de nos collaborateurs.

Notre motivation première a été de proposer un modèle organisationnel alternatif aux salariés dont les activités, présentielles par essence, limitent l’accès au télétravail. Pour autant, les attentes en matière de flexibilité et d’équilibre entre vies professionnelle et personnelle sont tout aussi prégnants pour ces collaborateurs. 

La question de la semaine de 4 jours s’est posée en lien avec des attentes grandissante de flexibilité et d’équilibre des temps de vie. 

Ce dispositif s’est révélé comme l’un des leviers que nous pouvions proposer en matière d’organisation du travail et de personnalisation de celle-ci. Cette expérimentation s’inscrit finalement dans le cadre d’une transformation organisationnelle et managériale déjà engagée visant un  management par objectifs plutôt que par le temps et le lieu de travail.

Qui impulse la démarche en interne ? 

L’expérimentation de la semaine de 4 jours résulte d’une réflexion commune embarquant aussi bien la Direction Générale, la Direction des Relations Humaines et de la Transformation et  les Directions métiers.

Les étapes clés avant le déploiement ?

Un trimestre nous a suffi pour évaluer l’opérationnalité de la démarche, avec un attachement tout particulier à l’instauration d’un dialogue avec les Directions métiers pré-identifiées comme terrain d’expérimentation. 

Le dialogue social était également essentiel pour introduire ce changement, avec pour première marche l’expérimentation. Une fois les modalités de déploiement et d’évaluation définies, un appel à candidature a été lancé dans le cadre d’une communication dédiée aux salariés éligibles et à leurs managers. Il s’agissait de partager aussi bien les enjeux du projet que ses modalités pratiques, et ainsi de mettre en confiance les différentes parties prenantes. 

Transformer les pratiques RH et adopter un nouveau rythme de travail interroge l’organisation du travail tant au niveau du collectif que de l’individu. 

Nous avons déployé un accompagnement spécifique auprès des expérimentateurs. Accompagnés par un chercheur en neurosciences, ils ont été sensibilisés aux enjeux de la semaine de 4 jours et formés à la gestion de ce nouveau rythme de travail (organisation personnelle de travail, gestion de la charge mentale, maintien du capital social, etc.). Ils ont pu échanger sur leurs pratiques et s’exprimer sur les ajustements organisationnels souhaitables pour assurer la soutenabilité du dispositif. Enfin, des entretiens individuels ont été menés tout au long de l’expérimentation afin de tirer un bilan complet de celle-ci, et notamment de ses impacts sur la charge cognitive et émotionnelle, sur le traitement des flux informationnels, sur les relations de travail, sur la performance, etc.

Quelles modalités ?

Une vingtaine de salariés de l’Assurance Retraite Caisse Nationale ont démarré l’expérimentation de la semaine de 4 jours en février 2023.

Deux formules ont été proposées et soumises au choix des salariés :  

  • 37 heures hebdomadaires (9h15/jour hors pause méridienne) et 8 jours de RTT (cycle de 12 mois).
  • 35 heures hebdomadaires  (8h45/jour), sans jour de RTT. 

Le jour non travaillé a été défini par les salariés en accord avec leur manager. Il s’agit d’un jour fixe, sauf cas très exceptionnel, moyennant 7 jours de délai de prévenance.

Quelle communication ? 

A l’instar de toute transformation RH, nous avons instauré un réel dialogue avec l’ensemble des parties prenantes (managers, collaborateurs, organisations syndicales). Tout d’abord, en amont de l’expérimentation pour saisir les enjeux et les impacts de ces nouvelles modalités organisationnelles envisagées. Puis, lors de son lancement et de son déploiement pour en faciliter l’appropriation à toutes les mailles de l’organisation.

Les difficultés rencontrées ?  

A ce stade, aucune difficulté majeure ne s’est présentée. La réussite de l’expérimentation nécessite de ne pas négliger le travail préparatoire. A l’instar du télétravail, la stratégie des petits pas, caractérisée par une volumétrie raisonnable en premier lieu, permet d’accompagner ce changement culturel.

La réussite de l’expérimentation nécessite de ne pas négliger le travail préparatoire. 

Un sondage révèle qu’environ 150 salariés supplémentaires seraient intéressés par la semaine de 4 jours. La continuité de service, l’équité organisationnelle ou encore l’accompagnement à grande échelle sont autant de questions auxquelles l’élargissement progressif devra répondre.

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Semaine de 4 jours : les grands enseignements 

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Quels résultats ?

L’expérience a permis de déconstruire certaines idées reçues portant sur l’organisation du travail, sa soutenabilité ou encore ses impacts sur le ressenti de charge de travail. 

Grâce à ce dispositif, certains salariés à temps partiel, notamment pour des raisons d’organisation, ont pu expérimenter le passage au temps complet. Les bénéfices sont alors doubles, tant pour la vie professionnelle des salariés que pour l’activité.

Les résultats positifs attendus sur l’équilibre des temps de vie se vérifient.

L’étude de l’impact du changement de rythme a fait l’objet d’une attention particulière sur trois dimensions clés : la cognition, l’équilibre temps travail-repos et la performance. Les résultats positifs attendus sur l’équilibre des temps de vie se vérifient. Les expérimentateurs peuvent profiter de cette journée libérée pour s’investir dans d’autres sphères (ex. vie familiale, projets associatifs ou d’autres projets personnels).

Les principales interrogations sur les éventuels risques en matière d’organisation du travail, d’accroissement de la charge mentale ou encore de fluctuations dans la performance ont été écartés. Les résultats observés sont globalement positifs, aussi bien par les managers, les collègues des expérimentateurs que les expérimentateurs eux-mêmes.

L’expérimentation révèle que ce nouveau rythme nécessite un temps d’adaptation. Ce changement de rythme impacte les habitudes prises jusqu’alors et nécessite l’adoption de nouveaux rituels.

Les facteurs de réussite et d’échec ?

Une réflexion menée dans le dialogue social, l’expérimentation par “petit pas” et l’accompagnement rigoureux des salariés et managers volontaires me semblent les incontournables pour bien engager cette évolution. 

L’enjeu majeur de la semaine de 4 jours réside sans doute dans l’adaptation d’un rapport au temps différent.

L’enjeu majeur de la semaine de 4 jours est le passage d’un management par le temps, dans sa dimension conventionnelle, à un réel management par les finalités, impliquant ainsi une évolution dans le management de la performance. 

Sans en faire l’alpha et l’oméga de nos organisations de travail, Il faut concevoir ce dispositif comme une possibilité de personnalisation de l’organisation du travail, sur base de volontariat. 

Les ajustements doivent être d’ailleurs permis : c’est le cas pour deux salariés par exemple qui ont choisi d’arrêter l’expérimentation en cours de route pour des raisons personnelles. Deux autres ont démarré avec la formule de 37 heures hebdomadaires puis ont basculé sur la formule de 35 heures. Expérimenter, c’est fournir un cadre et l’ajuster en fonction de la réalité vécue.

Un conseil pour les employeurs publics qui veulent se lancer ?

Il me semble important de garder en tête que la semaine de 4 jours n’est pas une réponse à tous les maux de l’organisation. Il s’agit d’un outil parmi d’autres pour répondre aux attentes exprimées par les collaborateurs dans un contexte où l’attractivité et la fidélisation sont des enjeux au cœur des préoccupations. Et ce, pas uniquement au niveau des services RH.

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Découvrez l’ensemble des retours d’expériences des institutions qui expérimentent la semaine de 4 jours dans le service public : dans notre étude.

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