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Semaine 4 jours service public

Etude sur la semaine de 4 jours dans le service public

Dans le cadre de notre étude sur la semaine de 4 jours et ses variantes dans le service public, nous sommes allés à la rencontre des employeurs qui ont osé expérimenter de nouveaux aménagements du temps de travail dans leurs institutions. 

Hélène Crouzet, Directrice Adjointe Ressources Humaines, nous parle de la mise en place de la semaine de 4 jours au sein de la Région Hauts-de-France.

Semaine de 4 jours dans le service public

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Le défi RH à relever ?

La semaine de 4 jours résulte d’une forte volonté du président de Région, de proposer des dispositifs d’amélioration de la qualité de vie et du bien-être au travail. 

Cette flexibilité nous a semblé être la bonne option pour améliorer nos conditions de travail.

La semaine de 4 jours date de la fusion des Régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais en 2016. Suite à la fusion, un chantier important d‘harmonisation du temps de travail s’est ouvert pour la nouvelle Région pour les agents des services. Parallèlement, un diagnostic sur les conditions de travail a révélé que la fusion des deux collectivités risquait d’exposer les agents aux risques psychosociaux (RPS). Il est donc apparu indispensable de proposer des dispositifs d’amélioration du bien-être au travail. La Région Picardie  proposait déjà différents rythmes de travail à ses agents. Nous nous sommes inspirés de cette expérience en allant plus loin. Cette flexibilité nous a semblé être la bonne option. Nous avions le pressentiment que cette liberté dans l’organisation du temps de travail aurait un impact positif sur la qualité de vie au travail et permettrait de lutter contre l’absentéisme. 

Créer un collectif et maintenir l’esprit d’équipe sont, de plus, des enjeux d’actualité. En effet, à l’heure où le temps de travail sur site des agents se concilie avec rythme de travail différencié et télétravail, il existe un risque de dislocation des collectifs et de l’individualisation du rapport au travail. Nous avons ainsi appris à manager le distanciel et le multi-sites suite à la fusion. Aujourd’hui, nous devons renforcer notre management du présentiel pour que l’espace de travail continue d’être un espace de lien social et d’émancipation.

 

Les étapes clés avant le déploiement ?

Différents chantiers et groupes de travail ont été mis en place dans le but d’harmoniser les règlements intérieurs et les modalités de travail. Les services de la Direction des Ressources humaines, du temps de travail, les partenaires sociaux ainsi que les acteurs de la qualité de vie au travail ont été impliqués dans ces travaux.

Nous avons mis en place un accompagnement sur-mesure de chaque manager par un référent RH.

En parallèle, nous avons mis en place un accompagnement collectif et une campagne d’information pour expliquer le sens de la démarche aux collaborateurs et leur présenter les différentes modalités de travail envisagées. Le référent RH, interlocuteur des managers, à également été mobilisé pour conseiller les managers et établir un accompagnement sur-mesure. Le service “temps de travail” était également à disposition des encadrants pour répondre à leurs questions et les accompagner dans le portage managérial. 

Nous avons directement proposé à l’ensemble des agents, dont les missions le permettaient, de choisir le rythme le plus adapté pour eux, sans phase expérimentale. Les RH ont posé le cadre, puis ce sont les managers qui ont pris le relais pour assurer la mise en œuvre au sein des services. 

Les interrogations des managers portaient principalement sur la continuité de service et le maintien des collectifs de travail. 

Nous n’avons rencontré aucun blocage particulier. Les interrogations des managers portaient principalement sur la continuité de service, le maintien des collectifs de travail et le risque d’intensification du travail… Dans les faits, tout s’est mis en place simplement et les craintes ont été rapidement levées. En comparaison, la mise en place du télétravail a été plus compliquée en raison de croyances limitantes du type : travaille-t-on vraiment en télétravail ? Ces sujets permettent de faire évoluer la culture de travail et de déconstruire certaines idées reçues.

Quelles modalités ?

Nous distinguons deux règlements intérieurs, celui des agents des services et des ports et celui des agents des lycées et du CREPS.

Les agents de service et des ports ont le choix entre 5 formules de temps de travail dont : 

  • Semaine de 4 jours (36h20/semaine avec 9h05 de travail journalier) avec 20 jours de congés annuels et 8 RTT. 
  • Semaine de 4 jours ½ (38h/semaine avec 8h27 de travail journalier) avec 22,5 jours de congés annuels et 18 RTT.

Parmi les agents de service et des ports, seuls certains métiers très spécifiques n’ont pas accès à ces formules.

Selon les chiffres de 2023, 72 agents ont choisi la formule de 4 jours. Il s’agit principalement d’agents de catégorie A et C de 50-60 ans, sans enfants à charge, généralement des femmes sur des postes de cadre sans management.

Ils sont 350, cette même année, à avoir choisi la formule de 4 jours ½. Ils étaient 172 en 2020 : cette formule connaît un nombre croissant d’adhésions depuis sa mise en place. Il s’agit principalement d’agents de 40-50 ans dont une grande part de cadres dont des managers. Cette formule se concilie très bien avec le télétravail.

Concernant le jour libéré, l’agent est libre de le choisir dans le respect de la continuité de service et donc soumis à la validation du manager. Ce jour vaut pour toute l’année sauf nécessité d’ajustement. De plus, dans le cas où l’activité nécessite exceptionnellement la présence de l’agent sur son jour libéré, celui-ci a trois mois pour le récupérer.

A ce jour, les agents des lycées n’ont pas accès à ces différentes formules. Les contraintes du rythme scolaire ne le permettent pas. Il s’agit cependant des métiers territoriaux au taux d’usure professionnel reconnu et à l’absentéisme le plus important. C’est pourquoi, nous lançons en ce début d’année 2024, la mission “Réduisons l’absentéisme”. Un diagnostic est actuellement en cours, visant à comprendre les phénomènes de l’absentéisme. Un des axes d’étude est le rythme de travail  afin de proposer des alternatives adaptées, en accord avec les proviseurs et adjoints gestionnaires. Une phase préparatoire expérimentale sera certainement nécessaire.

Quelle communication ? 

Nous avons réalisé une communication assez classique via l’intranet, des ateliers, des réunions d’informations et par email. Nous avons édité des infographies afin de clarifier ces nouveaux rythmes pour nos agents. Nous avons pris soin de répondre à leurs questions les plus courantes : combien d’heures de travail par jour ? Quels impacts sur le nombre annuel de RTT et de jours congés ?

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Semaine de 4 jours : les grands enseignements 

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Quels résultats ?

La semaine de 4 jours et la semaine de 4 jours ½ ont été reçues de manière très positive, aucun agent n’a fait marche arrière et nous n’observons aucun impact sur la qualité et la continuité de service. De plus, les différentes formules s’articulent bien entre elles. Par exemple, beaucoup d’agents travaillant sur 4 jours ½ choisissent de télétravailler le matin et de libérer l’après-midi. Les différents rythmes de travail apportent ainsi de la souplesse et facilitent la conciliation des temps de vie privée et professionnelle. 

Des femmes à temps partiel ont profité du dispositif pour travailler à temps plein en 4 jours ½. 

Les différentes formules proposées soutiennent également l’égalité professionnelle femmes-hommes. Nous observons qu’un certain nombre de femmes à temps partiel ont profité du dispositif à temps plein en 4 jours 1/2, sans contraindre le temps consacré à la famille. C’est un réel atout pour leur pouvoir d’achat et leur évolution professionnelle. Enfin, bien que les données nationales démontrent une augmentation  du taux d’absentéisme en France, celui des agents des services ayant adopté une de nos 5 formules reste très stable. Selon moi, la souplesse dans les rythmes de travail et la conciliation des temps sont des facteurs favorables à l’engagement.

Afin d’analyser en profondeur les impacts de ces différents rythmes, nous faisons le bilan en 2024. Nous réalisons actuellement un état des lieux à partir d’informations quantitatives et qualitatives. Ce bilan viendra éclairer nos travaux sur les rythmes de travail pour les agents des lycées.

Les facteurs de réussite et d’échec ?

La réussite de cette mise en place s’explique, en premier lieu, par une forte détermination de la Région soutenue par le dialogue social. Le leitmotiv, non négociable, était l’amélioration de notre qualité de vie au travail. La disponibilité des équipes RH et du service “temps de travail” a également été déterminant pour accompagner les managers. Enfin, l’acculturation des agents de l’ex-Région Picardie (⅓ de la Région Hauts-de-France) a facilité sa généralisation aux 3000 agents.

Un conseil pour les employeurs publics qui veulent se lancer ?

Je conseillerais de diversifier les formules pour s’adapter aux différentes situations des agents, d’être attentif à ce que la durée journalière soit soutenable et de porter le projet avec conviction.

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Découvrez l’ensemble des retours d’expériences des institutions qui expérimentent la semaine de 4 jours dans le service public : dans notre étude.

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