Je m'inspire

Articles, interviews et portraits d'acteurs publics inspirants

Semaine de 4 jours - URSSAF Picardie

Etude sur la semaine de 4 jours dans le service public

Dans le cadre de notre étude sur la semaine de 4 jours dans le service public, nous sommes allés à la rencontre des employeurs qui ont osé expérimenter de nouveaux aménagements du temps de travail dans leur institution. 

Anne-Sophie Rousseau, Directrice adjointe de l’Urssaf Picardie, nous parle de la mise en place de la semaine de 4 jours et demi dans son organisation.

.

Semaine de 4 jours dans le service public

.

Le défi RH à relever ?

Depuis plusieurs années, le sujet de la semaine de quatre jours monte en France. Il nous semblait important d’étudier le sujet parce qu’il ouvre des questions importantes sur l’avenir du travail. C’est surtout la portée sociale de la semaine de 4 jours qui nous intéressait. Nous avons souhaité en faire une mesure en faveur du pouvoir d’achat. 

C’est surtout la portée sociale de la semaine de 4 jours qui nous intéressait.

A l’époque, 20% de nos salariés étaient à temps partiel. On pouvait parler de temps partiel “choisi” dans la mesure où il s’agissait d’une demande des collaborateurs. Mais dans les faits, il s’agissait souvent d’une situation “subie” imposée par des nécessités économiques. A titre d’exemple, le temps partiel permettrait à certains parents de garder leur enfant le mercredi après-midi pour éviter les frais de garde. Avec la semaine de 4 jours, nous voulions leur permettre de garder ce jour non-travaillé sans perte en rémunération. 

L’autre avantage que nous avions en tête, c’est la possibilité d’étendre la durée des journées travaillées au bénéfice de nos cotisants.

Qui impulse la démarche en interne ? 

En 2022, les délégués syndicaux de l’Urssaf Picardie ont fait une demande de renégociation du protocole d’horaires variables pour obtenir la possibilité de travailler 39h par semaine avec 20 jours de RTT par an. Jusqu’alors, nous étions dans l’application strictement légale des accords sur la réduction du temps de travail (RTT) liés à la loi Aubry. 

Dans le service public, il faut garder en tête que le cadre réglementaire ne nous permet pas de faire le pari des 32h. 

Cette négociation a été l’occasion d’initier une expérimentation autour de la semaine de 4 jours. On voyait le sujet monter en force et des expérimentations internationales (Belgique, Royaume-Unis et Portugal entre autres) émerger côté secteur public. Nous avons eu envie de tenter l’expérience. Dans le service public, il faut garder en tête que le cadre réglementaire ne nous permet pas de faire le pari des 32h. Pour cette raison, nous nous sommes plutôt inspirés du modèle belge qui proposait la semaine de 4 jours sans réduction du temps de travail.

Les étapes clés avant le déploiement ?

On a ainsi entamé la discussion avec les délégués syndicaux qui n’étaient ni favorables ni défavorables à la semaine de 4 jours mais soucieux de savoir si ce modèle pourrait intéresser nos salariés. L’été 2022, nous avons lancé une consultation auprès des 200 collaborateurs éligibles à la semaine de 4 jours. Nous avons eu 140 répondants donc 100 qui nous ont répondu qu’ils trouvaient la démarche intéressante et 37 qui se disaient personnellement intéressés. Forts de ces retours, nous nous sommes accordés avec les délégués syndicaux pour signer un protocole et lancer l’expérimentation. 3 collaborateurs se sont alors portés volontaires.

Les difficultés rencontrées ?

L’expérimentation nous a fait prendre conscience d’une certaine déconnexion vis-à-vis de la réalité vécue par nos salariés à temps partiel. Avec la semaine de 4 jours, ces salariés doivent travailler 9h/ jours et donc trouver des solutions de garde pour les sorties d’école. En fin de compte, ce n’était pas compatible. Cette problématique liée à parentalité a d’ailleurs été soulevée au-delà des personnes à temps partiel. 

Rentrer tard chez soi après le travail, quand on a des enfants, c’est difficile à organiser.

Rentrer tard chez soi après le travail, quand on a des enfants, c’est difficile à organiser. A vrai dire, ce n’est pas compatible avec les horaires des écoles.

Quelles modalités ?

La semaine de 4 jours est proposée à tous les collaborateurs exceptées les personnes au forfait, c’est-à-dire qui ont un rythme de travail différent de la durée conventionnelle, sur la base d’un forfait établi en heures (sur la semaine, le mois ou l’année) ou en jours (sur l’année). Environ 100 collaborateurs sont au forfait au sein de l’Urssaf Picardie. Ils ont tous été interrogés sur les cycles horaires qui leur correspondraient le mieux. Ainsi, six cycles sont proposés : 

  • Semaine de 4 jours (sur 36h ou 39h/ semaine)
  • Semaine de 4 jours ½ (sur 36h / 37h/ 38h ou 39h/ semaine)
  • Semaine de 5 jours (sur 36h / 37h/ 38h ou 39h/ semaine)

Chaque collaborateur est libre de choisir le cycle qui lui convient le mieux. Comme je le disais, seulement trois collaborateurs ont souhaité tenter l’aventure des 4 jours, mais cet élargissement du panel a permis à d’autres de changer de rythme. La semaine de 4 jours permet de se réinterroger sur le rythme de travail qui nous correspond le mieux. Pour les cycles sur 4 jours, un accord de principe avec le manager est nécessaire pour s’assurer que le rythme n’est pas incompatible avec la continuité de service.  

La semaine de 4 jours permet de se réinterroger sur le rythme de travail qui leur correspond le mieux.

Les trois collaborateurs volontaires ont choisi la journée du mercredi, comme journée non-travaillée. Ils avaient le souhait de couper la semaine en deux. Un mois après la mise en œuvre, nous avons organisé un entretien avec eux et leurs managers pour identifier les éventuels ajustements à faire.

Quelle communication ? 

Nous avons réalisé un webinaire à destination des collaborateurs pour leur présenter les différents scénarios horaires. Suite à cela, nous avons consacré un temps pour qu’ils puissent nous faire remonter leurs souhaits. Il a été demandé aux managers de proximité d’organiser un temps d’échange avec leur équipe à ce sujet.

Les difficultés rencontrées ? 

Sans grande surprise, les mercredis et les vendredis sont les plus sollicités en jour “off” par nos collaborateurs. Les responsables de services sont alors les garants de la continuité de service. Charge à eux de veiller à ce que la mesure n’ait aucun impact sur les horaires d’ouverture au public. Pour l’heure, nous n’avons jamais eu de problème de cet ordre.

.

Semaine de 4 jours : les grands enseignements 

.

Quels résultats ?

Les trois agents volontaires ont connu des périodes compliquées au cours de l’année en termes de charge de travail. Durant le mois de mai, ce mercredi non travaillé, cumulé aux jours fériés qui sont souvent tombés des jeudis, a rendu la charge de travail difficilement soutenable. Les résultats interrogent aussi sur la pertinence du mercredi comme jour non travaillé. Il s’agit d’une journée où le travail se fait normalement pour le reste de nos équipes. De fait, il y a un rattrapage intense qui s’opère le jeudi pour les salariés sur 4 jours. Nous nous penchons sur un certain nombre de procédures de travail pour atténuer cet effet “accordéon”. Le lundi et le vendredi pourraient être des jours plus appropriés. 

Le lien avec les autres services est impacté.  L’absence d’un maillon en cours de semaine crée inévitablement une rupture dans la chaîne.

En fin de compte, nous nous sommes rendu compte que l’on ne travaille pas de la même manière sur 4 jours que sur 5 jours. Le travail s’articule bien au niveau du service mais le lien avec les autres services est impacté. Nous sommes habitués à avoir une activité hebdomadaire en continu. L’absence d’un maillon en cours de semaine crée inévitablement une rupture dans la chaîne.

Les facteurs de réussite ?

En premier lieu, il faut que la semaine de 4 jours soit proposée sur la base du volontariat. Elle ne peut pas être imposée car il faut qu’elle soit adaptée à la fois au métier et au contexte personnel du collaborateur. Le suivi, l’accompagnement et le dialogue sont également essentiels. Il faut être à l’écoute et embarquer les équipes managériales dans le projet. Enfin, il est absolument nécessaire d’instaurer un droit de retour en arrière. Les collaborateurs doivent pouvoir arrêter un rythme qui ne leur correspond plus.

Et d’échec ?

En termes de calendrier, nous avons lancé l’expérimentation en début d’année civile. Hors, que nous ayons des enfants ou pas, notre organisation personnelle se dessine autour de l’année scolaire. C’est au cours du mois de septembre, que l’on décide si oui ou non, nous allons nous inscrire au cours d’aïkido le mardi soir à 17h30. Pour bien faire, je pense qu’il est judicieux de commencer à communiquer en juin pour une mise en place effective en septembre de façon à permettre aux collaborateurs de se projeter dans leur nouvelle organisation.

Un autre point important à avoir en tête : c’est plus difficile qu’il n’y paraît d’identifier le rythme qui nous correspond. Avant, nous interrogions nos collaborateurs au moment où ils arrivaient dans l’entreprise sur leur souhait de cycle de travail. On pense désormais qu’il est intéressant de régulièrement re-communiquer sur les différentes options.

Un conseil pour les employeurs publics qui veulent se lancer ?

Je suis convaincue que la semaine de 4 jours est une tendance de fond et qu’elle n’est pas juste une mode. Elle est particulièrement plébiscitée par les nouvelles générations et contribue à l’attractivité de nos organisations. De fait, je continue de penser qu’il est utile de la proposer et d’étoffer nos palettes de rythmes de travail. 

A mon sens, on y gagne en marque employeur et en qualité de dialogue avec nos collaborateurs.

Je suis convaincue qu’un employeur public qui réfléchit à la semaine de 4 jours est un employeur qui s’intéresse à la qualité de vie au travail. A mon sens, on y gagne en marque employeur et en qualité de dialogue avec nos collaborateurs. 

.

Découvrez l’ensemble des retours d’expériences des institutions qui expérimentent la semaine de 4 jours dans le service public : dans notre étude.

.