Hindati Simpara est déléguée générale de l’association La Cordée qui œuvre pour plus de diversité sociale dans le service public. Elle nous parle de ses convictions et de ses engagements.
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La question de la diversité est à l’origine même du service public. L’article 6 de la Déclaration des droits des l’Homme et du Citoyen, souhaitait garantir à chaque citoyen et citoyenne un égal accès à l’emploi public avec pour seuls critères ses “vertus et talents”. Peu importe sa condition et son origine sociale, servir l’intérêt général n’est pas la prérogative des plus aisés. J’ai plusieurs exemples de haut-fonctionnaires pour qui la fonction publique a été un moteur de l’ascenseur social. Les concours et les mobilités internes permettaient de gravir les échelons.
Les institutions doivent immanquablement relever le défi de l’égalité des chances.
Mais au fil du temps, cette idée d’ascension sociale au sein de la fonction publique s’est délitée. Des études montrent que si votre père est énarque vous avez 330 fois plus de chances d’être admis à l’Institut National du Service Public (INSP, ex ENA). C’est particulièrement révélateur. Aujourd’hui, les institutions doivent immanquablement relever le défi de l’égalité des chances. C’est un enjeu crucial dans un secteur qui se doit de servir tous les citoyens et tous les usagers de manière égale. Et c’est la raison d’être de l’association la Cordée.
La fonction publique fait face à un manque d’attractivité et à un désamour grandissant pour les concours. Les préjugés et le manque d’information font office de barrière à l’entrée pour de trop nombreux candidats potentiels (pour aller plus loin, découvrez notre manifeste « 10 propositions pour réinventer les codes du recrutement dans le secteur public »)
La question de l’accès à l’information est centrale pour faire vivre l’égalité des chances.
La question de l’accès à l’information est centrale pour faire vivre l’égalité des chances. Pourtant, dès l’école, les écarts se creusent. Dans certains établissements, on présente très tôt les parcours d’excellence aux élèves. Dans d’autres, on en parle peu ou pas. Pour faire vivre l’égalité des chances, tous les élèves doivent avoir la même capacité de projection sur ces parcours et la même palette de choix professionnels. Ensuite, c’est aux recruteurs publics d’assurer …
Ils doivent être en capacité d’aller chercher les talents partout où ils se trouvent : dans le monde rural, dans les quartiers, en périphérie des grandes villes… Tous les jeunes doivent recevoir le même niveau d’information quant aux opportunités possibles dans le secteur public et savoir que seuls leurs “ vertus et talents” comptent. Pour les toucher, il ne s’agit pas de leur présenter la fonction publique de manière magistrale et théorique… Le désir, la fibre, se transmettent par les agents publics qui sont passionnés par leur travail et qui en parlent avec leurs tripes. On en connaît tous. On ne choisit pas le secteur public par hasard et on doit savoir expliquer pourquoi aux jeunes.
Le domaine de l’intérêt général est un secteur concurrentiel.
Scander notre pouvoir d’action pour l’intérêt général ne suffit plus. Le domaine de l’intérêt général est un secteur concurrentiel. Sur le champ de l’engagement, les associations, les ONG, les acteurs de l’ESS mais aussi les grands groupes privés redoublent de créativité et d’innovation pour attirer des candidats en quête de sens. Dans ce contexte, les employeurs publics doivent s’emparer des enjeux de communication RH.
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De manière générale, il est plus simple de recruter des personnes qui nous ressemblent, tant dans des jurys de concours que dans des entretiens d’embauche. Face à ce constat, les recruteurs publics doivent apprendre à faire un pas de côté. Des outils et des expertises existent pour apprendre à sortir des biais classiques pour aller chercher des talents ailleurs. Dans un premier temps, il faut se mettre dans une posture de recherche proactive des solutions existantes. Des startups ou des associations comme la Cordée permettent aussi d’aider les employeurs à transformer leurs pratiques RH. Il faut explorer l’écosystème local et actionner les bonnes coopérations.
Les démarches “hors les murs” sont particulièrement intéressantes. Il ne faut pas attendre que les candidats viennent vers nous, il faut aller à leur rencontre pour présenter et défendre sa structure. Et à ce titre, il faut être particulièrement au clair sur les valeurs partagées en interne. Envoyez vos agents en tant que mentors! L’association croit beaucoup au mentorat comme vecteur d’attractivité. Il faut également être très clair sur sa politique de lutte contre les discriminations. Recruter des personnes de diverses origines sociales implique la mise en place de procédures spécifiques pour mettre de côté les biais cognitifs que nous avons tous.
Prendre le temps de se former. Il ne faut pas oublier que c’est aussi un devoir réglementaire et législatif. La formation à la lutte contre les discriminations s’adresse aux équipes RH, aux managers et globalement à tous les échelons afin d’assurer une prévention des discriminations à tous les niveaux dans leurs organisations. Il me semble également important de prendre en considération le sujet de la diversité dans sa globalité pour apprendre à reconnaître et prévenir tout acte discriminatoire, au regard des différents types de discrimination (handicap, sexuelle, raciale, sociale, géographique, de genre etc.). Cela vous permettra d’éviter l’impression d’une multiplication des obligations de formation. Je reste cependant persuadée qu’en faisant cela, vous ancrez votre structure dans une dynamique positive et saine. La génération qui arrive sera beaucoup moins conciliante sur ces sujets….
“Les codes ça s’apprend, les valeurs ça se partage.”
Dans les organisations publiques comme dans le recrutement, il y a des codes. Les les candidats ont parfois peur de ne pas avoir les bons. Ce n’est pas grave, ils peuvent les apprendre. Pour bâtir une relation durable, employeurs et candidats doivent avant tout partager des valeurs. D’où l’importance pour les institutions de communiquer sur leur raison d’être et de mettre en pratique leurs convictions, dans un souci de cohérence et d’exemplarité.
Je suis particulièrement fière du dispositif “Ose la fonction publique” un programme d’accompagnement gratuit vers les métiers de la fonction publique pour les demandeurs d’emploi. J’ai créé ce programme quand j’étais bénévole de la Cordée en 2019. Face aux difficultés de recrutement dans le public mais avec un taux de chômage encore important, l’objectif était à la fois de faire connaître les possibilités d’emplois publics, d’informer les demandeurs d’emploi sur leurs modes d’accès, de les aider à surmonter les blocages face à ces métiers et de les accompagner dans la construction d’un projet professionnel dans le secteur public, à tous les échelons.
J’ai récemment été impressionnée par l’engagement des employeurs du secteur privé lors du Sommet de l’inclusion économique organisé par la Fondation Mozaïk. Les dirigeants de grands groupes s’y sont montrés particulièrement mobilisés pour l’inclusion…ils ont compris qu’ils n’étaient pas exemplaires. Quid de la fonction publique? On ne l’est pas non plus. Si la diversité sociale est au cœur de nos valeurs alors nous devons la défendre et nous engager de manière concrète et visible pour faire en sorte que l’on ne régresse pas. Nous ne devons pas tenir ces valeurs pour acquises. Chacun et chacune, nous devons nous sentir responsable.