Bastien Lapalud est Conseiller principal en gestion du changement organisationnel à la Ville de Montréal. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa vision de l’innovation publique.
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Après un master en affaires publiques européennes à Sciences Po Bordeaux, j’ai commencé ma carrière dans l’administration publique. En ministère d’abord : celui de la Justice, en tant que chargé d’étude au cabinet du garde des Sceaux. En collectivité ensuite : à la ville de Saint-Etienne en tant que responsable de la performance interne, puis à Grenoble-Alpes Métropole, en tant que chargé de mission à la direction générale puis chef de projet, où j’ai contribué à la transformation de la communauté d’agglomération en Métropole, au schéma de mutualisation métropolitain et au réseau interne d’innovation publique. J’ai ensuite décidé de m’expatrier : je travaille pour la ville de Montréal depuis deux ans.
Mon profil est celui d’un gestionnaire de projet: mes missions m’ont toujours amené à gérer des projets de transformation des organisations publiques afin de les rendre plus innovantes, plus humaines et plus performantes.
J’ai la chance d’aider une des plus grandes administrations publiques du Canada à devenir plus agile et plus performante. La ville de Montréal c’est environ 28 000 employés et 1,7 million d’habitants, c’est beaucoup de défis ! Mon rôle ? Accompagner la haute direction à définir les plans de transformations stratégiques et piloter les projets qui permettent aux équipes impactées de transformer leurs pratiques de travail.
Chaque année, la Ville se dote de priorités organisationnelles. J’ai eu l’opportunité d’en piloter plusieurs. Avec le projet : « Démarche de mobilisation des employés », nous avons fait évoluer l’organisation entre managers et employés pour améliorer le climat de travail et libérer l’expression des idées. L’année suivante, nous avons travaillé sur le projet « Alignement stratégique : Montréal 2030 » pour porter une vision partagée du développement de la ville : la rendre plus juste, plus inclusive et en faire un territoire à la pointe sur les enjeux climatiques. Nous avons également aidé la direction des ressources humaines à définir sa vision stratégique pour « Devenir un employeur de choix » et faire face à la guerre des talents qui se développe en Amérique du Nord. Cette année, nous avons mis en œuvre le plan de continuité des activités de la Ville et conçu les protocoles en santé et sécurité au travail pour maintenir nos activités essentielles au plus fort de la crise, permettre aux employés de première ligne de revenir au travail en toute sécurité et accueillir les citoyens dans nos édifices en respectant les consignes sanitaires.
Les changements organisationnels accélèrent à très grande vitesse avec cette crise. Depuis mars nous sommes en 100% télétravail alors que nous avions une politique plutôt conservatrice sur ce sujet. Le confinement a montré que ces nouvelles formes de travail fonctionnaient très bien. Pour saisir cette opportunité sans précédent, nous avons changé nos outils et accompagné la mise en place de nouvelles pratiques de travail et de management à distance.
S’expatrier, c’est donner un coup d’accélérateur à sa carrière en exerçant son métier dans des domaines et à des échelles différents. Les deux grands avantages : la découverte et l’apprentissage permanent.
S’expatrier, c’est donner un coup d’accélérateur à sa carrière en exerçant son métier dans des domaines et à des échelles différents.
Quand je suis arrivé au Canada, malgré la langue française en partage à Montréal, je me suis confronté à une nouvelle culture, notamment au travail. Ici, les employés sont plus autonomes et disposent d’un haut niveau d’expertise dans leur domaine. De fait, le style de management est plus flexible, autrement dit plus humain et plus mobilisant : il est là pour permettre aux équipes d’exprimer leur plein potentiel.
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C’était un vrai choix pour moi de travailler au cœur de l’organisation du vivre ensemble. Il n’y a pas d’autres organisations qui permettent, selon moi, d’avoir un impact aussi fort, aussi rapide et aussi durable sur la vie des gens.
Il n’y a pas d’autres organisations qui permettent, selon moi, d’avoir un impact aussi fort, aussi rapide et aussi durable sur la vie des gens.
La crise sanitaire montre à quel point le secteur public est indispensable. Mais aimer le service public ce n’est pas être naïf pour autant : il y a de nombreuses transformations organisationnelles, RH, numériques à mener pour être capable de réussir les transitions environnementales, sociales et économiques. A ce titre, les villes et les territoires, à condition qu’ils collaborent entre eux et qu’ils restent ouverts à la participation de leur écosystème dans son ensemble (citoyens, monde économique, acteurs culturels…), tirent leur épingle du jeu et apportent des réponses qui, aujourd’hui, semblent plus difficiles à opérer au niveau de l’Etat.
Il faut se distinguer, répondre à de nouvelles aspirations et rendre nos conditions de travail attractives. Pour moi il y a quatre points essentiels : 1. Le rôle du manager : adopter un style de leadership plus humain et plus mobilisant, favorable à l’expression des idées. 2. L’expérience collaborateur : proposer des environnements de travail collaboratifs pour que le travail en présentiel soit davantage tourné sur l’intelligence collective. 3. Un recrutement audacieux : constituer des équipes qualifiées, riches de leur diversité et leur donner les clefs pour développer leurs compétences. 4. Prendre soin de l’employé : garantir la sécurité psychologique dont il a besoin pour être proactif et innovant.
Je me pose souvent la question de ce qu’est l’innovation publique. Je trouve la définition du directeur du laboratoire d’innovation urbaine de Montréal intéressante : identifier et mettre en œuvre une idée nouvelle qui réponde efficacement à un problème ou à un besoin.
Pour être dans la preuve de ce qu’elle prétend, l’innovation publique doit être orientée sur l’action et le résultat.
C’est une définition qui me parle : pour être dans la preuve de ce qu’elle prétend, l’innovation publique doit être orientée sur l’action et le résultat. Si on passe trop de temps à réaliser des ateliers de créativité mais qu’on ne teste pas suffisamment pour obtenir des résultats, j’ai le sentiment que la dynamique peut s’essouffler. À ce titre, le Design sprint est une approche à explorer pour résoudre rapidement des problèmes complexes en testant de nouvelles idées.
Impulser une dynamique d’innovation implique donc de se lancer avec humilité dans la résolution d’un problème en étant prêt à expérimenter et à apprendre de ses erreurs. Pour enclencher des changements, à nous de prouver que l’innovation publique fonctionne.
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Talking to strangers, de Malcolm Gladwell. Il aborde la question de l’incompréhension de l’autre. Comme on ne sait pas toujours comment communiquer dans l’altérité, nous avons tendance à projeter des idées préconçues sur l’étranger ce qui nous empêche de l’appréhender dans sa complexité. Ces idées ne nous rendent pas suffisamment attentifs et bienveillants pour le comprendre. C’est un livre qui interroge la façon dont on interagit avec les autres : individuellement, dans notre quotidien, mais aussi collectivement, en société.
“Il y a la fiche de poste et ce que l’on fait du poste”. Nos expériences et nos savoir-faire nous permettent de faire différemment et sont en cela, des leviers de transformations. C’est pourquoi il faut oser !
Ne jamais cesser d’apprendre et s’entourer de personnes que l’on trouve inspirantes.