Trouver sa juste place : découvrez le portrait de Charlotte Dattée, experte des transformations publiques et dirigeante de Fluidivance.

« C’est la pugnacité des agents publics qui fait bouger l’action publique. »

Aujourd’hui, nous allons à la rencontre de Charlotte Dattée, experte des transformations publiques et dirigeante de Fluidivance qui propose une offre de coaching créatif, individuel et collectif et de formation en posture managériale.

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Trouver sa juste place

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Les grandes lignes de votre parcours ?

J’ai débuté ma carrière en 1997, après une école de commerce, au sein d’une entreprise anglo-saxonne spécialisée dans la métallurgie. Pendant six ans, j’y ai piloté des projets de marketing à l’échelle européenne, avec un enjeu majeur : harmoniser les politiques tarifaires des différentes forces de vente à l’approche du passage à l’euro. Une expérience fondatrice, qui m’a appris à coordonner des projets complexes impliquant des acteurs aux intérêts divergents. Depuis, cette capacité à fédérer autour d’un projet est devenue le fil rouge de mon parcours. Écouter, relier les mondes, embarquer les équipes : c’est ce qui caractérise mes missions au quotidien.

À la suite d’une première crise de sens, j’ai fait le choix du service public en intégrant le département des Hauts-de-Seine. J’y ai encadré une équipe de chefs de projet numérique, avec pour mission de développer des outils favorisant la collaboration et la coopération des agents. Progressivement, mes responsabilités se sont élargies aux enjeux de gouvernance, de formation au management et de pilotage des ressources humaines.

Forte de cette expérience, j’ai ensuite rejoint la Direction des Services Informatiques de Matignon, où j’ai accompagné la structuration de la gouvernance, la définition de la politique RH et la mise en place d’un portefeuille de projets. Enfin, j’ai poursuivi cette dynamique au sein de la Direction interministérielle du numérique (DINUM), en prenant la responsabilité de la mission Talents du numérique. L’objectif : concevoir et déployer des dispositifs d’attractivité, de recrutement, de fidélisation, de mobilité et de formation à destination des agents du numérique de l’État, tous statuts confondus. 

Un moment marquant ?

Assister à la naissance du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), précurseur de l’actuelle Direction interministérielle du numérique (DINUM), a été une expérience particulièrement stimulante. Porté par une ambition forte de modernisation de l’Etat, ce nouvel acteur a su trouver sa place. Sa montée en puissance au sein des instances de gouvernance interministérielle a permis de faire émerger les enjeux numériques comme des priorités stratégiques, désormais portées au plus haut niveau de l’administration.

Votre métier aujourd’hui ?

Il y a un peu plus de quatre ans, guidée par l’envie de créer ma propre activité, j’ai fondé Fluidivance. J’y développe une offre de coaching, individuel et collectif, dans des contextes de transformation. J’y propose également des missions de conseil et de formation, notamment en management et en pilotage de projets. Mon activité s’adresse principalement à des acteurs publics et parapublics, engagés dans des dynamiques de changement et de coopération.

Le cœur de votre positionnement ?

Dans un monde en perpétuelle mutation, traversé par des défis écologiques majeurs et des tensions économiques durables, j’accompagne les équipes et dirigeants à trouver leur juste place dans un environnement complexe et contraint. Il s’agit autant de se repositionner dans l’exercice de ses missions que de repenser sa relation aux équipes et aux partenaires. Mon approche porte une attention particulière aux enjeux de posture. Je suis convaincue que l’alignement de l’esprit, du cœur et du corps constitue une clé essentielle pour agir avec justesse et efficacité. Les signaux du corps, comme la boule au ventre, le stress ou la sensation d’être étriqué, sont autant d’indicateurs précieux des blocages à dépasser. J’interviens dans une logique de transformation concrète, orientée vers la performance et la production de livrables utiles.

Mon expérience d’agent public m’a permis d’acquérir une juste vision des fonctionnements, contraintes et cultures de la fonction publique. L’attractivité et la fidélisation des talents rares, la gestion des talents numériques sont des sujets qui me passionnent.

Les grands enjeux de la transformation RH ?

Parmi les grands défis que doit relever la fonction RH dans la fonction publique, figure la réflexion des parcours de carrière par métiers et compétences et non plus seulement par statut. La rénovation des méthodes de recrutement, l’accélération des processus pour attirer des profils rares, et l’amélioration de l’attractivité des environnements de travail sont aussi des enjeux majeurs. La véritable question, en filigrane, est la suivante : comment faire preuve d’agilité dans un cadre réglementaire contraint ? Pour y répondre, je suis convaincue qu’il faut oser, expérimenter, tester des formats, ajuster en continu et surtout, construire avec les parties prenantes. 

Les compétences clés à l’ère du numérique ?

De l’analyse de données à la gestion des intelligences artificielles, en passant par l’administration des systèmes et des applications existantes, les attentes sont multiples et évolutives. Depuis plus de vingt ans, je suis convaincue que la clé réside dans des profils hybrides, capables de naviguer entre maîtrise technique et compréhension fine des besoins métiers. Les compétences recherchées aujourd’hui ne se limitent plus aux savoir-faire techniques : la capacité à dialoguer, à comprendre les usages, à écouter, à gérer des projets et à créer du lien sont devenues tout aussi essentielles.

Comment fidéliser les talents tech dans un environnement public ?

On met souvent en avant les valeurs de service public et l’intérêt général comme principaux leviers d’attractivité de la fonction publique. Mais pour les profils tech, souvent très sollicités, ce discours ne suffit plus : ils l’ont déjà entendu et ceux à qui il a suffit ont déjà passé le pas. .

À mon sens, il y aurait tout intérêt à valoriser davantage d’autres dimensions, moins connues mais tout aussi porteuses : la diversité des technologies, souvent à la pointe et des méthodes utilisées, la richesse des parcours possibles au sein des institutions, ou encore la réelle capacité à innover et à agir. Les marges de manœuvre sont bien plus larges qu’on ne l’imagine, et l’environnement de travail, souvent méconnu, recèle de nombreux atouts qui résonnent avec les aspirations actuelles des talents. 

Un projet dont vous êtes fière ?

Je suis fière d’avoir co-construit, avec mes collaborateurs et la Direction générale de l’Administration et de la Fonction publique, le premier référentiel de rémunération dédié aux métiers rares du numérique dans la fonction publique. C’est une ressource que nous avons fait émerger patiemment, sur quatre années de travail, de concertation et de négociation. Elle a été discutée avec les directeurs du numérique, les DRH de l’ensemble des ministères, la DGAFP, la direction du budget… Un véritable chantier collectif, qui illustre bien la pugnacité et la persévérance des agents publics engagés dans la transformation de l’action publique. Aujourd’hui, ce référentiel existe. Il est utilisé, mis à jour régulièrement. Et il produit des résultats. À chaque fois qu’une administration s’en empare pour recruter, c’est une grande satisfaction et une fierté profonde.

Un vœu pour la suite ? 

Pour ma part, j’aspire à poursuivre ce qui m’anime profondément : accompagner les agents publics, quels qu’ils soient, à retrouver des marges de manœuvre, à réinvestir leur pouvoir d’agir dans des contextes parfois contraints. Et pour la fonction publique, je formule un vœu : qu’elle continue de puiser dans ses ressources et sa robustesse pour accompagner les citoyennes et citoyens dans les grandes mutations que nous traversons collectivement.