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Concours, égalité des chances

Concours et égalité des chances

Aujourd’hui nous allons à la rencontre de Damien Zaversnik, co-président de l’association La Cordée. Il nous parle de l’égalité des chances au sein des concours de la fonction publique.

Fonction publique et égalité des chances

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Les concours répondent-ils à l’objectif d’égalité des chances ?

Lorsque l’on regarde les profils des lauréats, il est évident que les concours ne permettent pas de refléter la diversité sociale de la population. Plus on monte dans la hiérarchie des concours, plus cette réalité est frappante. Il faut prendre conscience que la méritocratie consacrée par les concours est souvent un mythe. Soyons clairs toutefois, le concours est un formidable outil de recrutement et d’attractivité s’il est pensé et organisé comme tel. Systématiser le recrutement contractuel au détriment du concours serait une erreur compte tenu de tout ce que nous savons déjà sur les discriminations à l’embauche par contrat dans la fonction publique.

Quels sont les principaux freins ?

Le premier frein se situe en amont même de l’inscription au concours. Le système d’enseignement français reproduit voire aggrave les inégalités sociales. Les concours arrivent au bout d’une chaîne d’inégalités qui conduit notamment à ce que les enfants d’ouvriers ou d’employés soient sous-représentés parmi les candidats aux concours. L’organisation des concours elle-même représente aussi un frein. Structurés façon puzzle par versants et catégories, ce système de recrutement est peu lisible ce qui tend à éloigner les potentiels candidats les moins familiers de la fonction publique. Concernant les épreuves, les compétences sanctionnées sont souvent très académiques. Elles ont un lien souvent distant vis-à-vis des métiers auxquels les concours préparent. Des sujets essentiels comme la relation à l’usager ou le rapport au travail sont souvent absents des épreuves. 

Les attendus des épreuves sont très académiques et ne correspondent pas aux attendus professionnels.

Enfin, la diversité dans la composition des jurys de concours est trop peu prise en compte. Elle est pourtant essentielle pour confronter les points de vue, éviter les biais cognitifs que tout le monde a et challenger les candidats pour leur potentiel et non simplement sur leur parcours antérieur. La formation des jurys de concours et leur diversification, pourquoi pas en intégrant par exemple des citoyens usagers comme le recommande la sociologue Annabelle Allouch, est un axe central de la revalorisation des concours comme un mode de recrutement performant.

Les Prépas Talents sont-elles suffisantes au regard des enjeux ?

Les Prépas Talents, à destination des boursiers et demandeurs d’emplois, sont des outils indispensables pour élargir et diversifier les viviers de candidats aux concours. Elles sont aujourd’hui un des rares ponts entre la fonction publique et les universités, de même qu’avec le service public de l’emploi. Les étudiants de la fac méconnaissent les métiers publics et sont le plus souvent désarmés dans la préparation aux concours. Les Prépas Talents peuvent permettre de structurer un parcours d’orientation vers le service public qui nous manque tant aujourd’hui. 

Les Prépas Talents sont aujourd’hui un des rares ponts entre la fonction publique et les universités.

Les Prépas Talents doivent ainsi être un outil pour aller chercher les candidats là où ils sont. Cela nécessite toutefois un investissement au long cours pour que ces Prépas soient de qualité et que les étudiants aient les moyens de se préparer sereinement. La bourse de 4000€ octroyée est aujourd’hui insuffisante, de trop nombreux candidats restent contraints de travailler en parallèle de leur prépa. 

Les dernières réformes des concours A+ vont-elles dans le sens de la diversité sociale ?

La principale, celle du concours de l’INSP aura probablement un effet sur la diversité sociale, reste à savoir dans quel sens. Avant la réforme, il y avait des similitudes entre les épreuves des différents concours A+, ce qui permettait aux candidats de mutualiser leurs efforts. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, ou presque. Bien que la réforme des épreuves présente des éléments intéressants, je suis inquiet sur les effets indirects qu’elle aura. Un élève de prépa Talents par exemple continuera-t-il par exemple de se présenter à l’INSP au vu de la spécificité des épreuves ? Aura t-il des chances d’avoir un autre concours s’il devait échouer ? Il est nécessaire de penser les concours comme un système en se mettant à la place de celles et ceux qui les préparent.. 

Comment diversifier les viviers de candidats aux concours ?

D’abord, en simplifiant le nombre et le contenu des concours pour éviter la sélection par asymétrie d’informations. Plus il y a de voies différentes pour des chemins similaires, plus il y a de complexité et d’autocensure, plus l’avantage donné au capital social est décisif. Concernant la nature des épreuves, il est difficile de savoir ce qui est discriminant. Dans quelles conditions le remplacement d’épreuves académiques par des formats professionnalisants permet-il une ouverture sociale ? Une réflexion approfondie associant des chercheurs, des employeurs publics, et des candidats, paraît utile s’agissant du plus grand système de recrutement de France. 

Plus il y a de voies différentes pour des chemins similaires, plus il y a de complexité et d’autocensure. 

Ensuite, il faut aller au devant des personnes concernées pour parler des métiers, des opportunités, montrer que le service public est riche et vivant. Sans cela, toutes les réformes de concours seront vouées à l’échec. 

Comment la Cordée agit-elle en faveur de la diversité sociale ?  

La Cordée a été créée par des anciens élèves des classes Prépas Talents qui ont connu une ascension sociale par la fonction publique. La diversité sociale est dans notre ADN au même titre que le service public. Nous faisons de la sensibilisation en milieu scolaire en faisant intervenir des agents en poste qui incarnent et transmettent leur intérêt pour leur métier. Nous accompagnons également l’orientation des jeunes vers les métiers de la fonction publique grâce au mentorat et à des échanges concrets dans les administrations avec les agents en poste. Nous essayons de démystifier la fonction publique et de démontrer qu’il existe de nombreuses possibilités de mobilité. 

Nous souhaitons montrer qu’il existe de nombreuses possibilités de mobilité dans la fonction publique.

Nous aidons aussi à la préparation des concours par le mentorat et les Prépas Talents. Enfin, ce travail de terrain, de médiation entre le service public et ceux qui pourraient s’y destiné, nourrit notre réflexion sur l’attractivité et la diversité de la fonction publique. Même si cela progresse, il faut encore convaincre les acteurs publics de s’engager sur ce chemin (les actions de La Cordée sont à découvrir sur leur site internet). 

Un conseil utile pour passer les concours ?

Je conseillerais tout d’abord de croire en soi. Ne vous auto-censurez pas en vous disant “ce n’est pas pour moi”. Tout le monde peut trouver sa place dans la fonction publique. Enfin, faites-vous accompagner, osez demander de l’aide, des conseils. Les agents du service public ont en commun de mettre beaucoup de sens dans ce qu’ils font, ils sont généralement heureux de le partager.