Enseignant-chercheur : plongez dans la fonction publique universitaire !

Construire une carrière académique : l’itinéraire d’un enseignant-chercheur

Plonger dans la fonction publique universitaire, c’est découvrir un monde où se rencontrent enseignement, recherche et service public. Cet article met en lumière les métiers, les parcours et les valeurs de celles et ceux qui font vivre cet engagement au service du savoir. Moins connu que d’autres corps de l’État, le métier d’enseignant-chercheur occupe pourtant une place essentielle dans la transmission et la production de connaissances. Françoise Goter, Maîtresse de conférences-HDR à iaelyon School of Management, Responsable de programme à Magellan – ISEOR, et Olivier Meier, Professeur des Universités à Paris-Est Créteil, partagent ici leur expérience et leur regard sur les multiples dimensions de cette vocation.

Un article rédigé par Alexandre Vivier, Doctorant contractuel, expert au sein du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Enseignant-chercheur : plongez dans la fonction publique universitaire !

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Quel cadre de travail ?

Les enseignants-chercheurs exercent principalement dans les universités et établissements publics d’enseignement supérieur (EPSCP), mais aussi dans certains organismes de recherche comme le CNRS, l’INSERM ou l’IRD. Ces structures forment le cœur de la fonction publique universitaire, où se croisent enseignement, recherche et partage des savoirs. Aux côtés des enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens, personnels administratifs et de bibliothèque contribuent ensemble à la mission d’intérêt général que représente l’enseignement supérieur et la recherche.

Choisir une carrière académique, c’est évoluer dans un cadre exigeant mais porteur de sens. C’est concilier la liberté de la recherche avec la responsabilité du service public, tout en acceptant que la production de savoir s’inscrive dans un temps long, parfois éloigné du rythme immédiat de la société. C’est aussi cultiver le recul nécessaire pour transformer l’actualité en source d’innovation.

Quels sont, selon vous, les fondamentaux de la carrière académique ?

Olivier Meier : Le métier de Professeur des Universités dépasse aujourd’hui la simple transmission du savoir. Il se situe entre tradition humaniste et compétition scientifique mondiale, mêlant excellence académique, innovation et engagement collectif. Son rôle repose sur quatre piliers : enseigner, chercher, valoriser et piloter. Enseigner, c’est concevoir des dispositifs qui stimulent l’autonomie des étudiants et s’adapter à des publics variés. Chercher, c’est animer des équipes, trouver des financements et concilier temps long de la recherche et exigences d’évaluation. Valoriser, c’est partager la science au-delà du monde académique et utiliser les médias ou le numérique pour en diffuser les résultats. Piloter, enfin, c’est assumer des responsabilités collectives et contribuer à l’évolution de l’université.

Ce métier se vit dans un équilibre constant : entre recherche et pédagogie, rayonnement international et ancrage local, liberté scientifique et standardisation croissante. Dans un contexte de forte pression (hausse des effectifs, concurrence, exigences accrues), le Professeur des Universités devient un véritable stratège de la connaissance, capable d’arbitrer les paradoxes et de défendre une vision exigeante et ouverte de l’enseignement supérieur.

Le doctorat (PhD) a-t-il encore un intérêt en 2025 et comment le financer ?

Alexandre Vivier : Entreprendre une thèse, en 2025 comme hier, relève d’un choix à la fois intellectuel et de conviction. C’est accepter de consacrer plusieurs années de sa vie à une idée, à une question, parfois à un doute, dans un rapport au temps qui échappe à l’immédiateté. Le doctorat n’est pas qu’un diplôme : c’est un apprentissage de la rigueur, de la persévérance et du temps long. Il répond à un double appel : celui de la curiosité scientifique et celui du sens. Car derrière chaque projet doctoral se joue un engagement : celui d’interroger l’ordre établi des savoirs et d’apporter sa pierre à la connaissance collective. Sur la scène internationale, le doctorat demeure un passeport vers le monde académique et la recherche de haut niveau, autant dans le public que dans le privé. En France, la situation demeure plus nuancée : le doctorat est reconnu dans la sphère scientifique mais moins dans la sphère administrative et privée, signe d’une société encore hésitante face à la valeur du temps long et de la recherche fondamentale. Le parcours doctoral, exigeant, s’accompagne d’incertitudes : durée variable selon les disciplines, isolement possible et avenir professionnel parfois flou. À cela s’ajoute la question essentielle du financement, toujours au cœur du projet.

En 2025, plusieurs dispositifs existent :
– Le contrat doctoral, principal financement public, assure trois ans de rémunération (environ 1 830 € net/mois)
– Les conventions CIFRE, reliant recherche et monde socio-économique, y compris les collectivités.
– Les conventions COFRA, favorisant le lien entre recherche et administration publique.
– Les bourses et aides institutionnelles, nationales, régionales ou européennes, aux montants variables.

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Ces voies de financement, toutes compétitives, sont souvent difficiles d’accès et demeurent une prérogative nécessaire pour de nombreuses inscriptions en école doctorale, lesquelles exigent la justification d’une rémunération mensuelle stable. Cela marque le début d’un apprentissage concret : bâtir un projet, trouver des partenaires, penser sa carrière de chercheur. Il faut constater que les parcours doctoraux se sont profondément transformés ces dernières années : ouverture internationale, mobilité, diversification vers le privé. Le post-doctorat s’impose désormais comme une étape clé pour affirmer ses compétences et son positionnement avant une présentation plus affirmée devant les instances de recrutement. Ainsi, le doctorat en 2025, reste à la fois un choix de sens – un choix de service public, déjà – et un choix raisonné, pour de jeunes chercheurs bien formés, désireux de construire une carrière pleine, libre et diversifiée.

Quels sont les avantages et les inconvénients du métier ?

Alexandre Vivier : En 2025, le doctorat reste à la fois un engagement intellectuel et un choix de carrière stratégique. Il allie quête de sens et rigueur scientifique, exigeant persévérance et capacité d’adaptation. S’il ouvre des perspectives riches, en particulier à l’international, il confronte aussi le chercheur à la précarité des débuts, à la compétition des financements et à l’exigence d’une reconnaissance encore inégale selon les secteurs. Cette tension entre idéal et réalité fait partie intégrante du parcours. C’est dans l’effort et la confrontation aux obstacles que se construisent l’autonomie, la maturité et le sens du service public qui sont les fondements du métier d’enseignant-chercheur.

Qu’implique le métier de maître de conférences en France ?

Françoise Goter : Devenir maître de conférences (MCF), c’est accéder à une fonction au croisement de l’enseignement et de la recherche, au cœur des universités françaises. Mais derrière ce titre, le parcours pour y parvenir est exigeant, sélectif et multiple. Après un master recherche et une thèse de doctorat, le candidat doit obtenir la qualification délivrée par le Conseil national des universités (CNU) pour pouvoir postuler à un poste dans une université française. Certains profils issus du secteur privé ou de l’enseignement secondaire peuvent aussi accéder à la fonction, à condition de répondre aux exigences scientifiques du CNU. Une fois qualifié, le candidat passe devant un comité de sélection qui évalue son parcours scientifique, ses compétences pédagogiques et la cohérence de son projet académique. Une fois recruté, le maître de conférences partage son temps entre enseignement, recherche et implication institutionnelle.

L’enseignement occupe une place centrale : concevoir des cours, innover dans les formats pédagogiques, encadrer des mémoires ou accompagner les étudiants vers leur futur métier. La recherche complète cette mission : publier, participer à des colloques, collaborer avec d’autres chercheurs ou avec le monde socio-économique. Les maîtres de conférences s’impliquent aussi dans la vie de leur établissement : participation aux conseils, direction de programmes, coordination de départements, projets de recherche ou responsabilités collectives. Avec l’expérience, ils peuvent évoluer vers la direction de master, la co-direction de département ou la préparation de l’habilitation à diriger des recherches, première étape vers le professorat des universités.

Le métier de maître de conférences se situe ainsi au cœur d’un équilibre exigeant entre transmission, production de savoirs et engagement institutionnel. Une carrière riche, faite de passions intellectuelles, de collaborations, et d’un attachement profond à la mission de service public de l’enseignement supérieur.

Quels sont les avantages et les inconvénients du métier ?

Françoise Goter : Le métier de maître de conférences allie richesse intellectuelle et engagement humain. Il permet de transmettre des savoirs, produire de la recherche et contribuer à la vie de l’université. L’autonomie, la variété des missions et les perspectives d’évolution en font une carrière exigeante mais passionnante. Enseignement, recherche, encadrement, participation à des projets collectifs : cette diversité nourrit le quotidien tout en demandant une forte capacité d’organisation.  La pluralité de ces activités s’accompagne aussi d’exigences fortes : La charge de travail, la nécessité de publier et la gestion du temps entre les différentes missions font partie du défi. Le parcours pour y accéder, long et sélectif, témoigne déjà de la rigueur et de la persévérance nécessaires pour exercer ce métier au cœur du service public.

Qu’est-ce que l’Habilitation à Diriger des Recherches et quel rôle joue-t-elle dans la carrière d’un enseignant-chercheur ?

Françoise Goter : L’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) marque une étape clé dans la carrière d’un enseignant-chercheur, souvent après une dizaine d’années d’expérience. Rédiger mon HDR m’a permis de prendre du recul sur mes travaux, d’en dégager de nouvelles pistes et de partager ces réflexions avec la communauté scientifique. C’est à la fois une reconnaissance du parcours accompli et l’ouverture vers une nouvelle mission : accompagner les doctorants.

Diriger une thèse, c’est guider sans imposer, soutenir tout en exigeant. J’aime comparer ce rôle à celui d’un coach : présent dans l’effort, à l’écoute, garant de la progression. L’objectif n’est pas seulement de produire une thèse, mais d’aider le doctorant à construire son identité professionnelle, qu’il reste dans le monde académique ou rejoigne l’entreprise. Cet accompagnement s’appuie sur de nombreux outils : séminaires, formations doctorales, comités de suivi, participation à des congrès. Il s’agit d’adapter le parcours à chaque profil, dans une logique de formation complète et reconnue internationalement.

L’encadrement doctoral est à la fois une aventure personnelle et collective, menée avec le laboratoire, l’école doctorale et les collègues chercheurs. J’encourage mes doctorants à confronter leurs idées, à présenter leurs travaux et à s’ouvrir à la critique, condition essentielle d’une recherche solide. Obtenir l’HDR ouvre aussi la voie à de nouvelles responsabilités : direction de thèses, participation à des jurys, pilotage de programmes de recherche. C’est une maturation intellectuelle et institutionnelle : elle transforme le chercheur en passeur, en formateur et en mentor. Une manière d’inscrire durablement son parcours dans la continuité du collectif scientifique, au service du renouvellement des savoirs et de la relève académique.

Qu’est-ce qui distingue le professeur des universités d’un maître de conférences ?

Olivier Meier : La thèse marque l’entrée dans la recherche académique et l’apprentissage de l’autonomie scientifique. C’est le moment d’élaborer une problématique originale, de maîtriser une méthode rigoureuse et de contribuer à la production de connaissances. En parallèle, les premières expériences d’enseignement – souvent en travaux dirigés – permettent de développer ses compétences pédagogiques. L’enjeu est de trouver un équilibre entre recherche et transmission. Après la soutenance, la nomination comme maître de conférences ouvre la voie à une carrière durable : publier, participer à des colloques, encadrer des étudiants, construire un projet scientifique solide et collaboratif. L’HDR vient ensuite valider la capacité à conduire et diriger la recherche. Elle demande une vision claire, une cohérence scientifique et un engagement institutionnel fort.

Devenir Professeur des Universités marque une nouvelle étape : piloter des équipes, diriger des programmes, siéger dans des jurys et conseils scientifiques. C’est un rôle à la fois académique et stratégique, au service du rayonnement scientifique et du développement de l’université. La progression vers la classe exceptionnelle couronne les parcours les plus reconnus, récompensant l’excellence scientifique, la qualité pédagogique et l’engagement collectif. Cette réussite repose sur la constance, la capacité à répondre aux exigences croissantes de la recherche internationale, et l’aptitude à créer et transmettre du sens au sein de la communauté universitaire.

Quels sont les avantages et les inconvénients du métier ?

Olivier Meier : La fonction de Professeur des Universités offre une liberté intellectuelle rare, un privilège précieux qui se ressent profondément au quotidien. Cela se traduit par le fait de choisir ses sujets de recherche, construire ses projets et innover dans sa pédagogie. C’est une source d’épanouissement profonde, nourrie par la relation avec les étudiants et la satisfaction de voir ses idées reconnues au sein de la communauté scientifique. Mais cette liberté et ce privilège s’accompagne de tensions réelles. Le rythme est intense : publier régulièrement dans des revues à comité de lecture, obtenir des financements, gérer la charge administrative toujours croissante qui grève la disponibilité intellectuelle et parfois même prend le pas sur la motivation. Le début de carrière est fréquemment marqué par la précarité et l’incertitude, conditions qui peuvent limiter la capacité à se lancer dans des travaux audacieux. Cette vulnérabilité fragilise souvent l’originalité, la créativité et la capacité à apporter une contribution spécifique et singulière. La recherche universitaire se joue ainsi dans une tension permanente entre exigence mesurable et liberté créative – un équilibre fragile mais essentiel pour préserver la qualité et le sens du travail académique.

Comment voyez-vous l’avenir du métier, en particulier pour les nouvelles générations ?

Olivier Meier : L’avenir de l’université passe par l’ouverture : à l’international, entre disciplines et avec la société. Les grands défis – transition écologique, intelligence artificielle, mondialisation – imposent de croiser les savoirs et de construire des projets collectifs. La recherche de demain reposera sur des écosystèmes de connaissances ouverts, capables de combiner rigueur académique et réactivité face aux transformations du monde. L’avenir des formations dépendra de la manière dont les institutions sauront articuler présence humaine, innovation technologique et apprentissage par l’expérience.  Les universités devront aussi repenser les modes d’évaluation pour mieux reconnaître la créativité, la coopération et l’impact sociétal. Pour les jeunes chercheurs, le défi sera de conjuguer excellence, éthique et sens, malgré la pression et la précarité. Le rôle des universités reste central pour la France de demain: former des citoyens éclairés, stimuler l’innovation et garantir une parole libre dans l’espace public. Le Professeur des Universités reste avant tout un acteur du bien commun, garant de l’autonomie scientifique et de la transmission des savoirs.

Françoise Goter : Dans un contexte où les défis économiques, environnementaux et sociaux se multiplient, les recherches à fort impact occupent une place croissante dans les sciences de gestion. Les entreprises, collectivités et associations attendent des résultats transférables, ancrée dans le réel, et capable d’éclairer l’action publique comme les pratiques managériales. Les enseignants-chercheurs sont ainsi invités à produire non seulement des connaissances théoriques, mais aussi des résultats transférables et concrets. Les critères d’évaluation évoluent d’ailleurs dans ce sens, valorisant davantage l’impact et la responsabilité des travaux. Mieux valoriser les recherches socialement responsables et les reconnaître dans les carrières est un enjeu légitime. Ces évolutions renforcent le rôle de l’enseignant-chercheur comme médiateur entre savoir académique et action collective, capable de traduire les résultats de la recherche en leviers de changement pour les entreprises et la société. Les universités, IAE et laboratoires de recherche réaffirment ainsi leur rôle central dans la société : former des citoyens éclairés, accompagner la transformation des organisations et relier savoir académique et action collective. L’intelligence artificielle change nos pratiques, mais ne remplace ni la réflexion critique ni la relation humaine, essentielles à l’apprentissage. Il semble essentiel de la considérer avant tout comme un outil « puissant », au service de l’humain et non en remplacement de lui. Ainsi, le métier d’enseignant-chercheur, loin de se limiter à la production de connaissances, s’inscrit pleinement dans les grands défis de notre temps : utilité sociétale, innovation pédagogique, accompagnement des transformations et maîtrise raisonnée des technologies. Une fonction publique exigeante, mais plus que jamais essentielle.

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Pour aller plus loin : Comment devenir fonctionnaire ? ; Réussir les concours de la fonction publique ; Quelle fonction publique choisir pour mon profil ?

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