Barbara Falk est directrice générale des services de la Ville et de la Métropole de Metz. Dans le cadre de notre série « Women Challenge 2021 »* consacrée aux femmes dirigeantes territoriales, nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours, sa vision du service public et ses défis en tant que femme dirigeante.
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Ma formation à Sciences Po Strasbourg a marqué un tournant dans ma carrière. C’est lors de mon année d’échange universitaire aux Etats-Unis, que j’ai rencontré mon mari, qui est américain. J’ai poursuivi ensuite mes études à l’ESSEC mais souhaitant trouver plus de sens dans mes missions, j’ai préparé le concours de l’École nationale d’administration (ENA).
Je suis convaincue qu’il y a aujourd’hui beaucoup de passerelles à développer entre les trois versants de la fonction publique (État, collectivités, hôpitaux).
À la sortie de l’ENA, j’ai rejoint la Cour des comptes. J’y ai travaillé pendant 4 ans sur des questions liées à la Sécurité sociale. C’est un domaine qu’on connaît finalement assez mal dans l’administration d’État ou locale et qui m’a permis de mieux appréhender les enjeux sociaux. Je suis convaincue qu’il y a aujourd’hui beaucoup de passerelles à développer entre les trois versants de la fonction publique (État, collectivités, hôpitaux).
Je suis ensuite devenue directrice des finances de l’Institut de France et de ses cinq Académies (Académie française, Académie des inscriptions et belles lettres, des Sciences, des Beaux Arts, des sciences morales et politiques ). Et après un retour à la Cour des comptes au poste de secrétaire générale adjointe en charge de l’innovation, des outils, des méthodes de travail et des nouveaux enjeux comme ceux de la donnée publique, j’ai rejoint la Préfecture des Bouches du Rhône à Marseille en tant que directrice de cabinet du Préfet pour être davantage confrontée au “terrain”.
Aujourd’hui, je suis directrice générale des services de Metz Métropole. La métropole est un niveau de collectivité qui a la particularité d’être en forte croissance alliant à la fois des compétences opérationnelles (voiries, collecte des déchets…) et des compétences stratégiques (développement économique, numérique, culture, aménagement, etc.). Mon poste est passionnant par la variété de ses missions car je peux parler à 8h d’archéologie préventive, à 9h de stratégie financière et à 10h de gestion des déchets !
C’est en école de commerce que je me suis vraiment posée la question du service public. J’avais commencé à découvrir le monde du travail mais je souhaitais trouver plus de sens dans mes missions et voir davantage mon impact au quotidien. Je sais que le service public n’a pas le monopole de l’intérêt général mais j’avais envie de contribuer à changer la vie des gens, à protéger les plus faibles et à créer l’environnement qui permette à chacun de s’épanouir. C’est pour ces raisons que j’ai décidé de préparer l’ENA.
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Je suis fière à chaque fois que je réussis à créer une organisation efficace et efficiente qui atteint ses objectifs mais qui permet aussi à chacun de s’épanouir dans ce qu’il fait. J’aime beaucoup avoir ce genre de missions généralistes comme des projets de réorganisation car c’est à chaque fois un travail de long terme dans lequel il s’agit de se concentrer sur l’essentiel.
Dans une carrière, la maternité reste un très grand challenge personnel et physique ! Beaucoup disent qu’elle n’est plus un frein à une carrière. Je suis mère de trois enfants et je pense que cela n’est pas complètement vrai. Certes, je connais beaucoup de femmes qui ont 3 ou 4 enfants et qui ont fait de grandes carrières mais à chaque congé maternité, on peut perdre un ou deux ans d’avancement professionnel !
La maternité ne devrait plus être un frein dans nos carrières. Cette difficulté est souvent renforcée par les organisations elles-mêmes qui considèrent qu’on fait une carrière en 15 ans entre 25 et 40 ans !
La maternité ne devrait plus être un frein dans nos carrières. Cette difficulté est souvent renforcée par les organisations elles-mêmes qui considèrent qu’on fait une carrière en 15 ans entre 25 et 40 ans ! Considérer qu’une carrière se fait sur 40 ans rééquilibrerait en partie les choses.
Par ailleurs, face à un problème, une femme dirigeante n’a pas forcément les mêmes codes, les mêmes réseaux et la même façon de réagir. Ainsi, nos décisions ne seront pas forcément les mêmes. C’est à la fois un frein et une force ! Un frein car les directions générales du monde économique et de la haute administration se sont construites autour de codes masculins (réseaux moins accessibles aux femmes, activités extra-professionnelles plutôt masculines etc.). Une force car c’est aussi une vraie richesse d’où l’intérêt d’avoir davantage de diversité en directions générales !
J’aime beaucoup ce que dit Sheryl Sandberg (numéro deux de Facebook) dans son livre Lean in (“En avant toutes”). Elle y détaille les résultats de nombreuses études sur les freins dans la carrière des femmes. Elle évoque la différence de codes entre les hommes et les femmes mais elle insiste également beaucoup sur l’autocensure : les femmes n’osent pas se mettre en avant ! Les jeunes femmes devraient en prendre conscience. Dans le cas d’un entretien, un homme pourra vous dire qu’il a toutes les compétences demandées (même si ce n’est pas totalement vrai) alors qu’une femme avouera qu’elle devra travailler sur certains points. Le recruteur ne comprendra pas forcément cette différence de codes et choisira celui qui se met le plus en avant.
Sortir de la crise, sortir du covid ! Je pense que cela va être très difficile car on a aujourd’hui une société polarisée. Avec des gens qui ont énormément travaillé et qui sont épuisés par la gestion d’une crise qui n’en finit pas, de l’autre ceux qui ont été obligés de cesser toute activité depuis quasiment un an, et au milieu de nombreux salariés qui ont perdu pendant tout ce temps une partie de leurs repères. Remettre en place des structures avec un rythme de croisière va être très compliqué !
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Catherine Brechignac est une femme qui m’a beaucoup inspirée. J’ai travaillé avec elle quand j’étais Directrice des finances de l’Institut de France, alors qu’elle était à la tête de l’Académie des Sciences. C’est une physicienne née en 1945 qui a réussi à grimper les échelons dans un milieu extrêmement masculin. Elle a été directrice puis présidente du CNRS et ambassadrice de France pour la science.
Il faut d’abord une compétence technique ou une forme d’agilité intellectuelle qui permette de prouver aux gens avec lesquels on travaille qu’on leur apporte quelque chose et qu’on connaît leurs domaines. Evidemment, on ne peut pas rentrer dans la spécificité de chaque métier (car sur 90% des sujets, on n’a pas cette compétence technique) mais il s’agit d’être en capacité d’aider les personnes qu’on encadre quand ils en ont besoin et de savoir faire la différence entre ce qui est important et ce qui est accessoire.
Je dirais également la bienveillance. Les modes de management évoluent et on attend aujourd’hui d’un manager qu’il soit davantage dans l’accompagnement.
Je dirais plutôt que ce sont les petits combats du quotidien qui m’animent à savoir ceux où l’on peut réellement avoir un impact : équité, justice, préservation de l’environnement. Être femme dirigeante, c’est aussi pouvoir défendre des valeurs qui nous ressemblent.
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* Cette série de portraits est réalisée dans le cadre du défi « Objectif parité 2021 » lancé par le collectif Women Challenge dont nous faisons partie 😉 afin de mettre en lumière des femmes dirigeantes territoriales, d’encourager et d’accompagner celles qui souhaitent le devenir.
Ce projet est soutenu par le Ministère de la transformation et de la fonction publiques, la Casden – banque coopérative de la fonction publique ainsi que la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg.