Benoît Vallauri est responsable du Tilab, laboratoire régional d’innovation publique en Bretagne. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours, son métier et son envie de contribuer à la transformation de l’action publique.
Après des études en sciences économiques et sociales, je me suis d’abord orienté vers le secteur bancaire. Mais je ne m’y retrouvais pas au niveau des valeurs. Je me suis alors naturellement tourné vers la médiation numérique qui correspondait beaucoup plus à mon parcours empirique et à mon éducation. Après avoir travaillé en association, j’ai rejoint le Rectorat de Bretagne puis le Conseil Départemental d’Ille-et-Vilaine pour coordonner le projet « Ordi 35 » sur le Pays de Rennes, projet qui permettait de prêter un ordinateur à l’année à des élèves de 3ème.
En parallèle de mes activités professionnelles, j’ai contribué au développement de projets culturels. Très tôt, je me suis posé la question de la participation des citoyens à la définition des services qu’on leur rend, à savoir, des services publics. J’ai notamment participé aux montages d’événement Museomix. J’ai aussi co-créé Biblioremix qui consiste, le temps d’une journée, à co-construire les bibliothèques avec les habitants.
Très tôt, je me suis posé la question de la participation des citoyens à la définition des services qu’on leur rend, à savoir, des services publics.
Ensuite, au sein de la Médiathèque Départementale d’Ille-et-Vilaine, j’ai participé au lancement de services culturels innovants, en lien avec le numérique, les communautés créatives et les “Makers”. C ’est à ce moment-là que j’ai saisi une opportunité : la Région et le SGAR Bretagne recherchaient un responsable pour leur nouveau Laboratoire régional d’innovation publique. C’est ce laboratoire que j’ai rejoint en avril 2017 en tant que préfigurateur et responsable.
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A la tête du Tilab, laboratoire régional d’innovation, je suis responsable d’une démarche qui vise à améliorer les politiques publiques pour mieux les définir pour et avec les usagers. L’enjeu est également de «désiloter» les usages et de favoriser des coopérations organisées ou fortuites entre administrations, directions ou partenaires.
La particularité du Tilab est d’être mutualisé entre les services de l’Etat et de la Région. Je suis rattaché à la Direction générale des services de la Région Bretagne, avec un lien fonctionnel important avec la Préfecture de la Région Bretagne. Cela apporte beaucoup de légitimation, mais aussi un cadre d’action très facilitant. Nous facilitons aussi en ce sens les multiples coopérations sur le territoire avec des acteurs publics et privés.
Le Ti Lab offre un espace et un cadre de liberté pour tester des idées, mener des expérimentations et développer des projets.
Le Ti Lab offre un espace et un cadre de liberté pour tester des idées, mener des expérimentations et développer des projets. On agit en complémentarité des approches traditionnelles de l’organisation (Programmation, études, rapports…). Concrètement, on obtient une validation et un soutien de haut niveau en amont pour démarrer un projet autour d’un problème à résoudre. Une fois cette validation obtenue, on essaye de garder de l’agilité et on évite tout « process » qui viendrait brider l’innovation.
On essaye de garder de l’agilité et on évite tout « process » qui viendrait brider l’innovation.
On est là en « facilitateur », en apport pluridisciplinaire et pour conseiller. En effet, l’innovation, ça ne se décrète pas et ce n’est pas quelque chose qu’on impose. Au contraire et avant tout, l’innovation, ça se « facilite ».
Tout d’abord, poursuivre les activités du Ti Lab après la phase d’amorçage. Les utilisateurs et les participant.e.s aux projets sont très satisfaits, mais les sollicitations et les besoins augmentent, en particulier qualitativement. La V2 du Ti Lab devrait permettre une évolution positive pour accompagner et mutualiser encore mieux des actions innovantes au service des citoyens, mais aussi l’animation d’une communauté d’innovateur.trices publics en cours de développement à l’échelle de la région.
La V2 du Ti Lab devrait permettre une évolution positive pour accompagner et mutualiser encore mieux des actions innovantes au service des citoyens, mais aussi l’animation d’une communauté d’innovateur.trices publics.
La Région Bretagne met également en place un incubateur de services publics numériques sur le modèle de beta.gouv.fr, incubateur créé par la Direction interministérielle du numérique. L’enjeu va être de bien articuler les activités du laboratoire d’innovation et de l’incubateur. Les deux sont très liés. D’un côté, le laboratoire est le lieu qui permet de réinterroger le problème, de le reformuler si besoin et d’expérimenter les pistes de solutions. De l’autre côté, l’incubateur permettra de développer et d’itérer afin de réaliser le passage à l’échelle du service public numérique.
Beaucoup d’agents de l’Etat et du conseil régional se sont emparés du laboratoire d’innovation. En un an, on a eu 3000 participations de professionnels à plus de 160 ateliers, et environ 800 usagers impliqués !
Ce que l’on constate, c’est que les directions et les agents qui ont déjà eu recours au Tilab en redemandent.
Ce que l’on constate, c’est que les directions et les agents qui ont déjà eu recours au Tilab en redemandent. C’est bon signe, et cela signifie qu’ils en sont satisfaits ! De plus, le décloisonnement permet d’avoir un impact sur des projets communs, en tentant de résoudre la tentation des administrations (y compris en interne) à “découper les usagers en petits bouts”, chacune dans son champ de compétence. Il s’agit donc aussi d’apprendre à gérer des problèmes complexes avec des solutions complexes, donc coopératives.
Derrière tout passage par le Tilab, il y a souvent un impact invisible : le changement de culture, c’est ce que cela génère sur les pratiques des agents, dans leur travail au quotidien.
Ce qui est indispensable, c’est de pouvoir se mettre dans un mode de neutralité, de bienveillance, et de maîtriser les techniques et la posture de facilitation. Quand on a le rôle de facilitateur d’un projet, il faut savoir s’extraire des enjeux. Je pense aussi qu’il est utile d’avoir une bonne culture générale. En effet, on traite de nombreux sujets : de la mobilité à la transition écologique en passant par l’accès aux soins. Enfin, il faut être en capacité de se mettre à la place des autres (empathie) et de chercher convaincre grâce aux actions que l’on mène (assertivité). Enfin, il faut être un peu “corsaire” : oser faire des choses dans l’espace autorisé.
J’ai une sensibilité et une empathie particulière qui sont en adéquation avec les valeurs du service public autour de l’intérêt général. Au sein du service public, c’est vraiment sa transformation qui me passionne car il y a derrière un vrai enjeu démocratique dans un monde qui doit apprendre à gérer l’incertitude. Si on ne transforme pas le service public et qu’on ne résout pas la crise démocratique, on court le risque de l’instauration de régimes totalitaires.
Si on ne transforme pas le service public et qu’on ne résout pas la crise démocratique, on court le risque de l’instauration de régimes totalitaires.
Derrière la transformation du service public, se pose la question de quelle société souhaite-t-on demain, et de comment nous voulons la construire ? On y répond ici par des actions concrètes, en valorisant le Faire.
J’aurais très certainement travaillé à servir l’intérêt général : si je devais envisager de travailler hors du service public, je me demanderais moins “pour qui” que “avec qui”. La pertinence d’un projet et d’objectifs stratégiques dépend aussi bien de l’organisation dans laquelle elle est mis en oeuvre que des personnes qui les portent.
J’aime beaucoup cette citation de Nelson MANDELA « Je ne perds jamais, soit je gagne soit j’apprends ». Sinon, j’utilise souvent cette phrase tirée du film Le Bon, la Brute et Le truand : « Quand on tire, on raconte pas sa vie ». Pour innover, c’est un peu la même chose, il faut savoir arrêter les grands discours et passer à l’action !
L’essentiel est d’instaurer un cadre de liberté créative et de réciprocité, mais surtout de confiance. C’est l’élément indispensable pour toute démarche d’innovation afin de préserver une vrai liberté d’action.
Le projet qui me tient le plus à cœur c’est comment on accompagne la numérisation des services. Comment fait-on pour que tous les citoyens soient en capacité d’y accéder ? C’est justement un projet sur lequel on travaille au Tilab appelé le « Lab accès ».
“Je crois qu’il faut créer plus d’interconnexions entre nos expérimentations et entre nos laboratoires d’innovation.”
Par ailleurs, je crois qu’il faut créer plus d’interconnexions entre nos expérimentations et entre nos laboratoires d’innovation. Il y a souvent des liens entre différentes thématiques. Des expérimentations pourraient être croisées pour venir résoudre plusieurs problèmes à la fois : l’accès au droit, la formation professionnelle, la mobilité. On a toujours tendance à raisonner en silo. Mais, derrière les problèmes définis concernant des thématiques particulières, on s’adresse toujours au même usager, que l’on réponde à sa demande en terme de mobilité, d’accès aux droits ou de formation.