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Communication publique

Directeur de la comm’: transmettre la parole publique aux habitants

Aujourd’hui, nous allons à la rencontre de Laurent Riéra, directeur de la communication pour la métropole et la ville de Rennes mais aussi vice-président de l’association Communication publique. Son rôle ? Être le traducteur de la parole publique ainsi que le médiateur entre les acteurs publics et les habitants.

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SON PARCOURS

💪 Votre parcours en quelques mots ?

Après avoir obtenu mon diplôme de Sciences Po en 1986, j’ai été journaliste pigiste à Paris pendant 15 ans. J’en suis arrivé à travailler pour des magazines de collectivités territoriales, notamment pour la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines dont les élus avaient vite perçu l’importance d’un système d’information cohérent. C’est alors mon premier contact avec la communication publique. C’est dans cette ville du sud francilien que j’ai découvert le monde de la fonction publique territoriale et les enjeux du développement local. Petit à petit, au sein de l’institution, j’ai pris des responsabilités jusqu’à devenir rédacteur en chef des magazines puis directeur adjoint de la communication.

Par la suite, j’ai rejoint l’agglomération d’Évry où j’ai accompagné le processus de métropolisation initié en 2010 dans un contexte de forte évolution de la carte institutionnelle de l’Île-de-France. J’y ai créé et piloté les rencontres nationales « Communication et intercommunalité », sous l’égide du réseau Cap’Com, dont je suis membre du comité de pilotage. Depuis 2014, je suis directeur de la communication et de l’information mutualisée pour la ville et la métropole de Rennes, où j’ai suivi la démarche participative initiée par les élus. Je suis aujourd’hui mobilisé autour des enjeux de la communication responsable sur un territoire très engagé sur les sujets de la sobriété énergétique et de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. En parallèle, je suis devenu vice-président de l’association Communication publique. 

💪 Vos missions actuelles ?

Je dirige le service communication qui accompagne les politiques publiques pour la ville et la métropole de Rennes. Il s’agit de coordonner une direction composée d’une soixantaine de personnes. En tant que directeur de la communication, mon rôle consiste à porter une vision transversale sur les enjeux liés à la communication avec un objectif, celui d’être l’interface entre l’institution et les habitants.

La communication doit être un mode d’accompagnement permanent de l’action publique.

Au quotidien, je suis en relation permanente avec différents services, tels que le logement, l’urbanisme, la santé, les transports, le développement économique ou encore la police municipale. Dans les projets déployés par les institutions, la communication arrive parfois en bout de chaîne. À mon sens, elle doit être associée bien en amont. Elle doit être un mode d’accompagnement permanent de l’action publique. Il s’agit, dès le départ, de penser à la manière dont l’information sera transmise aux bénéficiaires, d’assurer une certaine forme de pédagogie et de susciter l’adhésion des citoyens.

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AU CŒUR DE LA COM’ PUBLIQUE

💪 Votre conception de la communication publique ?

Dans la communication publique, il y a une forte hétérogénéité d’émetteurs mais tous travaillent au service de l’intérêt général : l’État, les ministères (article à ce sujet ici), les collectivités territoriales, les chambres consulaires, les hôpitaux, les universités ou encore les acteurs parapublics… Chacun, à son échelle et dans son secteur, concourt à assurer le bon déroulement du service public. Je dirais que la communication publique consiste à rendre lisible l’action publique, à éclairer les citoyens sur la manière dont les décisions sont prises et à organiser le débat public.

La communication publique consiste à rendre lisible l’action publique, à éclairer les citoyens sur la manière dont les décisions sont prises et à organiser le débat public.

C’est une discipline qui a beaucoup évolué au fil des décennies. En France, la communication publique a longtemps été descendante. Elle servait surtout à informer les citoyens. La révolution numérique a engendré un phénomène majeur, l’omniprésence des usagers. Nous sommes passés du monologue à la conversation permanente. Et ce, avec un écosystème très varié d’interlocuteurs. Ce changement se manifeste de manière très concrète dans notre quotidien où nous sommes interpellés sans cesse sur les réseaux sociaux, par voie de presse… Dans ce contexte, nous sommes les médiateurs entre l’institution, les élus, l’exécutif, l’administration et les habitants qui ont souvent des avis respectables et légitimes à défendre pour leur territoire. Le métier de communicant public est devenu beaucoup plus proactif.

💪 Les défis à venir ?

Ils sont multiples. Il y a la crise de confiance dans la parole publique, la dégradation du lien social, l’accessibilité de l’information et les enjeux liés à la transition écologique.

Nous devons tendre vers un modèle permettant d’organiser un débat démocratique plus serein.

Notre société est de plus en plus fragmentée, il y a une forte virulence dans le dialogue. Nous devons tendre vers un modèle permettant d’organiser un débat démocratique plus serein. Je suis convaincu que pour cela, il faut accorder davantage de confiance aux habitants. La communication publique doit faciliter la co-construction des politiques publiques entre les pouvoirs publics et les usagers. Cela implique d’aller à leur rencontre pour mieux comprendre leurs besoins et leurs usages.

Ensuite, nous devons nous questionner sur la manière dont nous communiquons.

Dans le milieu professionnel, nous employons trop souvent une novlangue.

Dans le milieu professionnel, nous employons trop souvent une novlangue. Ce langage est peu compréhensible pour le grand public. L’un de nos défis consiste à vulgariser l’information sans renoncer au niveau d’exigence attendu par les citoyens.

Enfin, le principal enjeu du moment, c’est la lutte contre le dérèglement climatique. Nous devons expliquer comment nous ré-orientons nos politiques publiques pour répondre à cet enjeu. Dans notre manière de communiquer, nous veillons également à réduire notre impact carbone.

💪 Les enjeux liés au numérique ?

Le numérique est omniprésent. Néanmoins, pour recréer du lien social, tout ne doit pas passer par le numérique. Il ne faut pas sacrifier le format papier par exemple. Pendant la pandémie, nous avons rapidement perdu nos relais d’information habituels et il a fallu inventer ou réinventer des solutions. Nous sommes même allés jusqu’à utiliser des mégaphones pour nous adresser aux habitants. Au sortir de la pandémie, nous avons ressenti le besoin de revenir à une communication de proximité, qui privilégie la relation humaine.

💪 Quelles sont les qualités indispensables ?

Dans le secteur public, un bon communicant doit connaître l’organisation institutionnelle du pays et son paysage d’acteurs. Il doit être en capacité d’avoir une posture d’écoute. C’est une qualité indispensable pour comprendre les problèmes et tenter d’y apporter une réponse appropriée.

Nous devons également faire preuve de diplomatie et aimer les démarches partenariales car notre travail est très en lien avec les autres, que ce soit les élus, les agents publics, les habitants, les entreprises du territoire, les partenaires associatifs et institutionnels.

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SES CONSEILS

💪 Un conseil ?

Dans ce métier, il est primordial de bien maîtriser le plan de communication. C’est une méthodologie qui permet de s’imprégner du sujet, d’analyser les enjeux et d’identifier les fenêtres de tir… C’est également l’outil qui permet de démontrer la valeur ajoutée des actions de communication et donc de mieux en défendre la raison d’être parce qu’il intègre des indicateurs d’évaluation. En complément, il faut être en capacité de faire un « mapping » de toutes les parties prenantes d’un projet pour nouer les bons partenariats et se construire un réseau.

💪 Des publications éclairantes ?

Le livre « Le plan de communication » de Thierry Libaert. La sixième édition sortira à la rentrée prochaine. J’ai eu la chance d’y contribuer en écrivant le chapitre sur la communication publique. Je peux aussi vous citer le Guide de la communication responsable réalisé par l’Agence de la transition écologique (ADEME) pour sensibiliser les communicants publics aux enjeux  du dérèglement climatique.

Durant mon parcours, je me suis appuyé sur les apports de la sociologie, notamment sur la théorie de l’acteur-réseau portée par Bruno Latour et Michel Callon.

Enfin, il est utile de lire la presse et de s’abonner à des newsletters sur le sujet. L’association Communication publique propose également des formats passionnants.