Pierre-Alain JACHIET est responsable de la stratégie données au sein de la Haute Autorité de Santé. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa vision du service public.
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Ingénieur de formation, dans le cadre de mes études à Polytechnique, je me suis très vite intéressé aux questions liées à l’environnement. Cela m’a amené à suivre un master “écologie et évolution”, qui s’est poursuivi par un doctorat en biologie évolutive et bioinformatique. L’immersion dans le monde de la recherche est un premier temps fort de mon parcours.
La deuxième étape structurante, c’est lorsque j’ai cherché à mettre en application mes connaissances en manipulation des données génétiques afin d’avoir un impact plus concret sur les grands enjeux de notre société. J’ai choisi de rejoindre une société de conseil où, pendant trois ans, j’ai effectué des missions de conseil autour des problématiques liées aux données. C’est une étape structurante de mon parcours, durant laquelle je me suis forgé un avis plus profond sur le rôle, les enjeux et les stratégies de gestion de la donnée.
Je me suis ensuite lancé en tant qu’indépendant, d’abord pour avoir la liberté de choisir des projets qui avaient du sens pour moi et d’autre part pour dégager du temps afin de m’investir dans un projet associatif qui consistait à rendre plus accessible une base de données sur les conflits d’intérêt en santé. Faire de la donnée un levier de transparence pour le secteur de la santé, c’est ce qui m’a motivé au départ.
Faire de la donnée un levier de transparence pour le secteur de la santé, c’est ce qui m’a motivé à rentrer dans ce secteur.
Enfin, la crise sanitaire a été une étape marquante de mon parcours puisque j’ai été appelé en renfort au centre de crise pour centraliser les données permettant de compter le nombre de lits de réanimation disponibles. L’évolution rapide des données, la nécessité de les centraliser dans des temps record pour que des décisions rapides puissent être prises marquent cette expérience de travail absolument inédite.
J’ai rejoint la Haute Autorité de Santé à la rentrée 2020 pour développer leur stratégie liée à la donnée. Le cœur de métier de la Haute Autorité de Santé consiste à faire un état des lieux des connaissances en santé en s’appuyant sur la littérature scientifique, l’expertise des professionnels mais aussi sur la donnée. Avec l’informatisation croissante de nos échanges et la numérisation de nos process, la manipulation des données par des systèmes informatiques est un enjeu clé pour créer, utiliser et diffuser de la connaissance. Mon rôle consiste à accélérer ce virage stratégique pour que la Haute Autorité de Santé s’appuie de manière plus systématique sur les données numériques. Il s’agit également d’impulser une culture interne de la donnée.
Mieux maîtriser notre patrimoine de données pour compléter la documentation scientifique. A titre d’exemple, nous avons lancé la refonte de la plateforme “Scope Santé” qui compile l’ensemble des données sur la qualité et la sécurité des soins. Nous travaillons également sur la manipulation des données textuelles, comme les commentaires laissés par les patients après leur hospitalisation. Nous créons et déployons les outils qui permettent d’analyser ces retours patients pour avoir un meilleur aperçu de la qualité de l’offre de soin.
En 2019, j’ai profité de l’opportunité offerte par le programme entrepreneur d’intérêt général, pour rejoindre la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du Ministère de la santé dans le cadre d’un projet autour de l’ouverture des données de l’Assurance maladie. Il s’agissait d’étudier les parcours de soin des malades chroniques.
Confrontés à la problématique de l’anonymisation des données, nous nous sommes finalement attachés à ouvrir la connaissance pour exploiter ces données. De nombreux acteurs utilisent depuis longtemps les données de l’Assurance maladie mais leurs expériences et leurs savoirs ne circulaient pas assez. C’est pourquoi nous avons mis en place des outils permettant de partager les connaissances et avons créé une communauté apprenante. Ce qui me rend fier, c’est de faire de la donnée, un outil permettant de collaborer ensemble de façon ouverte et publique.
Ce qui me rend fier, c’est de faire de la donnée, un outil permettant de collaborer ensemble de façon ouverte et publique.
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C’est la question du sens qui a motivé mon passage du privé au public. L’intérêt général, c’est une valeur partagée par tous les collaborateurs du service public. C’est ce qui nous anime.
Le premier enjeu c’est d’impulser des innovations qui soient au service d’une cause, d’un collectif et d’une politique publique. Ensuite, il faut impulser l’innovation de l’intérieur, au sein des administrations. Cela nécessite de veiller à ce que les personnes qui portent l’innovation, des profils parfois issus du secteur privé, bénéficient des espaces de liberté nécessaires aux démarches de transformation.
Dans un monde qui change très vite, le secteur public doit impulser une vision sur le temps long et garantir la stabilité et la durabilité de nos services publics.
Enfin, il faut rassurer. Dans un monde qui change très vite, le secteur public doit impulser une vision sur le temps long et garantir la stabilité et la durabilité de nos services publics.
Le vieillissement de la population et la prise en charge des maladies chroniques sont des enjeux majeurs. De plus en plus de personnes vont être impactées. Et parce que la prise en charge de ces problématiques, liées à nos modes de vie, nécessite des soins onéreux, cela va poser la question de la soutenabilité de notre modèle de financement de la santé. Pour anticiper les risques et suivre ces questions, il est nécessaire de s’intéresser aux parcours de soin des patients. Un rôle de la donnée est ici de fournir des indicateurs de qualité sur ces parcours.
Les prévisions environnementales doivent interroger notre capacité à garantir un accès universel à la santé.
Plus fondamentalement, je crois que nous dépassons largement les limites de notre environnement, en terme de ressources et de capacité à absorber nos déchets, et que cela va avoir des conséquences majeures et très concrètes dans les décennies à venir. Que nous planifions une décroissance physique, ou que nous subissions une décroissance forcée, notre capacité à garantir un accès universel à la santé doit nous préoccuper.
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L’environnement est la cause maîtresse. De cet enjeu, découle la question des inégalités qui ne peut plus être traité par du toujours plus, au sein de notre société mais aussi entre les sociétés. Notre qualité de vie, notre bonheur et notre santé sont profondément liés à la question des inégalités.
Un leitmotiv qui me guide et qui fait écho aux convictions préalablement citées c’est “Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.”
Il y a plein de missions passionnantes au sein du secteur public. Renseignez-vous de manière proactive.