Dans le cadre de la semaine de l’innovation publique, nous avons co-organisé avec le Liberté Living-lab une table ronde autour de « la Fonction publique et l’Innovation RH ».
A l’heure où la génération « millennial » fait l’objet de 1000 théories et où les services publics et l’administration commencent tout juste à se réinventer, comment rendre l’administration plus attractive tout en répondant aux attentes d’une génération « digital native » ?
Nous revenons sur ce sujet avec un dossier spécial “Fonction publique et Millenials” en 2 articles.
Dans un 1er article, nous avons vu “Comment les recruter” #1.
Dans celui-ci, on s’attache aux freins et aux solutions ? #2
Emilie Agnoux, Directrice de l’innovation, du dialogue social et de l’animation managériale à Grand Paris Sud Est Avenir et Porte-parole de FP21, association de jeunes agents publics
Sigrid Berger, Fondatrice de Profil Public, plateforme innovante de recrutement dédiée au service public.
Jihane Herizi, Responsable du Programme Alpha au sein de la Direction Interministérielle du Numérique et chez Beta.gouv.fr, communauté des incubateurs des Startups d’État.
Une table ronde animée par Ian Cugnière, Responsable de la programmation et de l’écosystème au Liberté Living-lab. .
Emilie : Pour les années à venir, les administrations vont devoir s’interroger sur les compétences dont ils ont besoin. Mais recruter les personnes sur la seule base des compétences acquises, et donc des diplômes ou expériences passées, ne devrait pas se faire au détriment de la responsabilité sociale des administrations, qui ont un rôle important d’intégration, notamment pour ceux qui n’ont pas eu l’opportunité de faire beaucoup d’études ou qui ne disposent pas de réseaux. D’ailleurs, on se rend compte que les personnes à qui on a tendu la main pour leur offrir une première expérience professionnelle alors qu’elles n’avaient pas de qualifications particulières ont tendance à être impliquées et loyales vis à vis de leur employeur. Il faut être très vigilant avec les approches qui considéreraient qu’il y a des “talents” qu’il conviendrait d’attirer et de retenir, et puis tous les autres. On a besoin de tout le monde pour délivrer un bon service public, surtout au sein des administrations où les actions individuelles s’inscrivent dans une performance collective. Je ne suis pas certaine que le CV et la lettre de motivation soient les outils les plus efficaces pour recruter.
Il faut être très vigilant avec les approches qui considéreraient qu’il y a des “talents” qu’il conviendrait d’attirer et de retenir, et puis tous les autres. On a besoin de tout le monde pour délivrer un bon service public.
L’acte de recrutement est difficile, et les méthodes utilisées ne sont pas toujours adaptées pour sélectionner le bon profil dont on a besoin. Les managers ne sont pas toujours les meilleures personnes pour recruter leurs propres collaborateurs. Pourtant on fait comme si cela était naturel, sans prendre la peine à minima de les former dans ce domaine. Le recrutement par les pairs peut être intéressant à explorer. Au sein de mon organisation, on mobilise la coach interne sur certains recrutements, notamment les managers et certains profils spécifiques. Cela permet de disposer d’un autre regard, de mieux cerner les personnes dans leur globalité, de tester le savoir être ou la capacité à s’intégrer à la culture de l’organisation et s’adapter à une équipe ou un contexte.
Au sein de mon organisation, on mobilise la coach interne sur certains recrutements. Cela permet de disposer d’un autre regard, de mieux cerner les personnes dans leur globalité, de tester le savoir être ou la capacité à s’intégrer à la culture de l’organisation.
S’agissant des concours, on sait qu’il s’agit du moins mauvais système, notamment pour garantir l’égalité d’accès à la fonction publique, même s’il n’est pas parfait car il comporte un certain nombre de biais. Il faut donc sans doute retravailler les formats et les contenus des concours. Il faut également voir comment faire pour les agents qui veulent rejoindre la fonction publique pour un temps, sans nécessairement passer les concours.
Sigrid : Concernant le recrutement dans le service public, il y a deux freins majeurs : le manque d’attractivité et l’opacité. D’une part, le service public n’a pas forcément bonne image et le « fonctionnaire bashing » se développe. Avec Profil Public, nous cherchons à changer l’image du service public en luttant contre les clichés, en communiquant sur des innovations publiques, en présentant des projets concrets et des acteurs publics inspirants…D’autre part, le recrutement reste assez opaque. En effet, les bourses d’emploi de la fonction publique sont connues uniquement des initiés d’autant plus que les institutions publiques communiquent finalement assez peu sur leurs offres d’emploi. Avec notre site profilpublic.fr, l’enjeu est de proposer une plateforme conviviale et qui donne envie de rejoindre le service public !
Avec notre site profilpublic.fr, l’enjeu est de proposer une plateforme conviviale et qui donne envie de rejoindre le service public !
Emilie : La lisibilité des offres dans le secteur public pose problème, car les sources sont très variées, les sites pas toujours ergonomiques et les postes publiés sont parfois déjà fléchés en interne. Si l’on a besoin de tout le monde pour transformer les administrations, on a besoin de profils atypiques qui viennent challenger l’organisation et remettre en question les modes de fonctionnement traditionnels, parce que l’on prend tous des habitudes de travail confortables qui finissent par perdre de leur sens et de leur utilité. Le défi est alors de parvenir à intégrer ces personnes-là dans l’organisation et à préserver leur rôle de “poil à gratter”. Il faut aussi créer du débat au sein des organisations, échanger sur ce que l’on a à faire ensemble et la manière dont on doit faire les choses, si l’on veut que tout le monde s’implique. Il faut aussi être vigilant avec le tout numérique, car cela laisse une partie des agents et des usagers de côté. Le numérique n’est pas une réponse à tout, même s’il ouvre des perspectives nouvelles.
Jihane : il faut avant tout repenser la partie culturelle, organisationnelle et managériale. Concrètement, au sein de beta.gouv.fr, on laisse aux équipes le choix des outils, la manière de travailler, une certaine autonomie, la possibilité de faire du télétravail et nos équipes bénéficient d’une communauté à leur disposition et qui leur permet également un apprentissage continu. Nous sommes un collectif avec beaucoup de bienveillance, peu de réunions et d’emails, pas de comitologie et des process très transparents que l’on retrouve sur github.
Au-delà, nous n’utilisons pas vraiment d’outils concrets. Tout le monde peut participer et recruter dans la communauté en intégrant la task force recrutement et en proposant son aide. Etant donné que nous avons une approche différente du recrutement en proposant des missions plutôt que des postes, nous recrutons tout type de profil, autant des profils connus que des profils atypiques.
Il faut avant tout repenser la partie culturelle, organisationnelle et managériale.
Chaque équipe prend la main sur ses recrutements en rédigeant sa propre annonce à sa manière avec des infos détaillées sur l’équipe et l’environnement de travail puis la soumet à la communauté avant publication ici. Quelques exemples d’annonces ici pour beta.gouv.fr ou là pour Etalab)
Nous diffusons principalement nos offres sur twitter, nous avons une communauté de faiseurs qui nous suit et répond vite à l’appel. Cela dit, de la même manière dans la vie, c’est plutôt le bouche à oreille qui fonctionne même si cela ne veut pas dire que nous recrutons par « cooptation ». Toutes les opportunités peuvent déboucher potentiellement sur un recrutement : événements, rencontres etc.
A-t-on LA solution pour mieux recruter et plus facilement ? Je ne sais pas. Cela fonctionne pour nous en tous les cas et Etalab a également de bons résultats autant en interne que sur le programme EIG qui acculture l’administration avec de nouveaux profils.
Sigrid : Je viens du service public (je suis administratrice territoriale) et après avoir constaté ces freins, j’ai souhaité proposer une solution pour dépoussiérer le recrutement du service public. C’est pour cela que j’ai créé la plateforme profilpublic.fr.
Il s’agit d’une plateforme innovante d’emploi dédiée au secteur public. A mi-chemin entre un site média et un site d’emploi, elle présente une approche globale autour de la marque employeur et de la communication RH. Elle n’est plus centrée uniquement autour des offres d’emploi mais propose au candidat un parcours en trois étapes afin de l’aider à se projeter plus facilement :