François Bernard, est Directeur général adjoint “Ressources” au sein du Département de l’Aude. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa vision du secteur public.
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D’abord, lorsque j’ai décidé de rejoindre le secteur des ressources humaines ! Juriste de formation, j’ai exercé pendant plusieurs années et avec beaucoup de plaisir le poste de Directeur des Affaires juridiques au Département du Nord. Au bout d’un moment, je commençais à me sentir à l’étroit dans cette fonction. Ce fut l’occasion de m’interroger sur mes centres d’intérêt et d’en discuter avec la Directrice générale adjointe en charge des ressources humaines. A l’issue de cet échange, j’ai accepté un nouveau défi, celui de rejoindre la Direction des ressources humaines. C’était sans nul doute la meilleure décision que j’ai prise. Travailler sur l’humain, l’amélioration des organisations et des conditions de travail a été une révélation pour moi.
Il n’y a pas meilleure improvisation que celle qui a été préparée.
La crise sanitaire ensuite. Au-delà des difficultés que nous sommes trop nombreux à avoir traversées, la crise, par sa soudaineté et son ampleur, nous a mis face à nous-mêmes. Elle nous a obligés à mobiliser en très peu de temps tout ce que nous avions appris, ce que nous avions construit, ce que nous avions compris et ce que nous étions individuellement et collectivement pour apporter des solutions en adéquation avec les besoins des citoyens et des agents. J’en ai tiré des enseignements profonds qui font que je ne suis plus tout à fait le même qu’avant mars 2020. Des crises, qu’elles soient sanitaires ou climatiques nous en connaîtrons d’autres. Nous devrons alors nous rappeler qu’il n’y a pas meilleure improvisation que celle qui a été préparée.
Enfin, la mobilité que je viens d’effectuer en quittant le Nord pour rejoindre l’Aude. Lorsque l’on prend une décision avec autant d’impacts sur le plan personnel et familial, on doit avoir la conviction qu’on sera là où on doit être. Il faut être honnête avec soi-même et se sentir aligné avec la vision de son employeur. Au terme de mes rencontres avec la Directrice générale des services du Département de l’Aude et la Présidente, j’étais convaincu de faire le bon choix.
Ma mission consiste à faire en sorte que l’ensemble des services puissent avoir des moyens humains, technologiques et financiers en adéquation avec les projets qu’ils portent. Cela suppose des réflexions sur l’existant et des projections à moyen et long termes car les choix que nous faisons aujourd’hui impacteront la collectivité de demain. Donner les moyens, c’est d’abord interroger le besoin, l’organisation, les process, les outils, les compétences, en portant et partageant une vision claire du futur.
Donner les moyens, c’est partager une vision claire de la collectivité de demain.
De la même manière, c’est permettre à chacun de comprendre les choix réalisés, de les discuter et d’y participer. C’est mettre les agents au cœur de ses attentions. Il ne peut y avoir de qualité du service public sans qualité de vie au travail pour les agents qui y participent. Pour résumer, il ne s’agit pas d’accumuler des moyens mais plutôt de porter une vision de sa collectivité pour demain et d’engager un collectif dans la poursuite de cette ambition.
La relation aux autres et le challenge ! Je suis quelqu’un qui aime partager et qui aime douter. J’apprécie les rencontres, les échanges et les confrontations d’idées. A ce titre, je peux dire que je viens tous les jours au travail avec le même plaisir de retrouver mes collaborateurs en sachant que l’on va avancer ensemble. Ce qui me motive, ce sont les défis à relever, individuellement ou collectivement.
La mise en œuvre d’une stratégie globale visant à redonner de l’attractivité au Département du Nord en tant que collectivité employeur. Comme de nombreux départements, nous devions faire face à une difficulté pour recruter sur un certain nombre de métiers. Pour attirer les talents, il faut comprendre leurs aspirations et leurs attentes tout en réussissant à vendre ce que la collectivité peut leur offrir.
Pour attirer les talents, il faut comprendre leurs aspirations et leurs attentes tout en réussissant à vendre ce que la collectivité peut leur offrir.
Ainsi, nous avons construit une stratégie de valorisation des métiers et des projets portés par la collectivité. Pour être attractif il faut ouvrir ses portes, montrer ce que l’on fait, prouver que nous sommes porteurs d’évolutions professionnelles et trouver des moyens innovants pour améliorer les procédures de recrutement en misant sur des médias adaptés aux profils recherchés. C’est ce que nous avons fait et ce travail nous a permis d’amorcer une évolution du métier de recruteur qui est le premier acteur de cette stratégie. Ce travail sur notre marque employeur s’intégrait par ailleurs dans un projet plus global de la direction générale visant à valoriser les agents et les métiers en interne.
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Le premier c’est donc la question de l’attractivité. Nous avons des collectivités qui pour bon nombre d’entre elles n’ont pas connu pendant très longtemps de problème en la matière. Aujourd’hui, nous sommes en compétition avec les autres collectivités mais aussi avec le milieu associatif, l’économie sociale et solidaire, le secteur privé… On peut être une collectivité, aussi grosse soit-elle, il ne nous suffit plus d’exister pour attirer les compétences. Il faut réussir à démontrer que l’on peut apporter quelque chose de différent aux candidats et les convaincre qu’ils pourront s’épanouir en nous rejoignant.
Le second point, c’est la qualité de vie au travail. Nous sommes au cœur d’évolutions constantes, en termes d’outils, d’usages, d’organisation du travail mais également d’attentes en matière de service public. Nous formulons un souhait vertueux de constante amélioration. Mais nous devons prendre garde de bien accompagner les changements en cours et veiller à ne perdre aucun collaborateur sur le chemin du sens car quiconque travaille sans savoir pourquoi il est utile est un collègue que l’on perd.
Quiconque travaille sans savoir pourquoi il est utile est un collègue que l’on perd.
En ce sens, nous devons porter une attention particulière à l’évolution des compétences et donner à nos agents des perspectives et la capacité d’être acteur de ces changements.
Un autre point important c’est la capacité à créer des passerelles entre les secteurs public et privé pour aller plus vite et plus loin dans la compréhension de nos enjeux communs. Si nous sommes par essence différents, je crois que c’est une erreur de ne pas aller voir ce qui est fait dans le privé pour alimenter nos réflexions. Je pense qu’il faut même aller plus loin et permettre à nos cadres dirigeants de réaliser des formations similaires à celles des dirigeants du privé.
Pour les raisons évoquées par rapport à la qualité de vie au travail, je souhaiterais associer plus systématiquement les agents aux changements qui les concernent. Nous avons la chance d’avoir à la fois des compétences en nombre dans nos structures et des collaborateurs qui ont l’envie de proposer. Profitons-en et demandons-leur ce qui pourrait être amélioré. Les associer aux constats, aux objectifs poursuivis et aux moyens d’y parvenir est un pari gagnant pour la collectivité. C’est un mouvement de fond nécessaire qui doit s’amorcer par des petits chantiers de simplification qui donneront la confiance nécessaire à la mise en œuvre de la dynamique.
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Je suis un passionné de paroles de chansons. C’est un exercice compliqué où il faut faire passer des émotions en quelques mots. Il y a donc une attention particulière portée au sens des mots choisis et j’y trouve très souvent des sources de réflexion et d’inspiration. Je citerai donc une phrase tirée de “my way” de Franck Sinatra. En français : “Qu’est-ce qu’un homme, que possède-t-il ? Si ce n’est lui-même, il n’a rien.” Pour moi, c’est important de garder cela en tête. C’est un rappel à l’humilité et à l’intégrité qui nous met face à nos responsabilités : à la fin, nous sommes tous seuls face à notre glace.
Trop souvent, j’ai trouvé que l’on écrivait sur l’innovation publique de façon trop conceptualisée. Je crois que l’innovation n’est pas utile s’il n’y a pas derrière de l’efficacité et des résultats pratiques.
L’innovation n’est pas utile s’il n’y a pas derrière de l’efficacité et des résultats pratiques.
Si on n’en parle pas de manière concrète et opérationnelle, on ne parviendra pas à emporter les foules et cela restera quelque chose de technocratique. Alors je recommande un article paru dans le financial times repris dans le courrier international en mars 2021 et intitulé “Les géants pharmaceutiques ont perdu la course aux vaccins” qui expliquait comment des entreprises de taille réduite qui avaient misé sur des solutions innovantes ont pu proposer bien plus rapidement que les laboratoires traditionnels un vaccin contre la COVID. Une démonstration éclatante que l’innovation au service d’une vision stratégique, en nous permettant de sortir du sillon traditionnel, peut servir l’efficacité et l’intérêt général. Et c’est avant tout ce que nous recherchons.
Il faut prendre le temps de connaître ses collaborateurs. Nous n’avons pas tous le même profil et cela peut parfois être un frein à la confiance. Pourtant cela ne signifie pas que nous sommes moins bons ou moins intéressants. Comprendre qui nous sommes et qui sont ceux qui nous entourent permet bien souvent de dépasser cette première limite, de mobiliser au bon moment les compétences de chacun, d’aborder les sujets sous différents prismes… et finalement de progresser.