Marie-Claire Chapron est Cheffe du Département Stratégie et Modernisation au Secrétariat Général (SG) du ministère de la Culture. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa vision de l’innovation publique.
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Après une formation d’ingénieure agronome, j’ai débuté ma carrière au sein d’un cabinet de conseil en stratégie et transformation. Assez vite j’ai eu l’opportunité de travailler au Maroc, d’y développer l’activité secteur public et d’y co-fonder une filiale de notre cabinet : une expérience entrepreneuriale passionnante. Quand je suis rentrée en France en 2013, j’ai rejoint le Secrétariat Général de la Modernisation de l’Action publique (SGMAP) en tant que directrice de projet. Le SGMAP, qui poursuit aujourd’hui ses missions à travers la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP) est un outil permettant d’appuyer les ministères dans leurs projets de transformation et d’innovation pour accélérer l’impact des réformes sur nos politiques publiques. La grande diversité des projets qui y sont menés m’a permis d’appréhender le fonctionnement des administrations de manière transversale. En tant que contractuelle de la fonction publique, j’ai ensuite eu la chance d’obtenir un poste en CDI avec un positionnement managérial au sein d’un ministère. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de fêter mes un an au sein du secrétariat général du ministère de la Culture.
Le Département Stratégie et Modernisation, c’est une équipe d’une dizaine de personnes, essentiellement des chefs de projet transformation, dans la volonté de constituer une «petite DITP» (Direction Interministérielle de la Transformation Publique) au sein du ministère de la Culture. Actuellement, notre priorité c’est le pilotage du projet de réorganisation de l’administration centrale du ministère. À ce titre, nous créons une nouvelle délégation générale orientée sur l’accès à la culture pour tous, avec pour objectif de mieux porter les politiques transversales qui contribuent à l’ancrage de la vie culturelle dans les territoires, auprès de leurs habitants. Nous consolidons par ailleurs l’expertise des trois directions générales que sont le patrimoine et l’architecture, la création artistique, les médias et les industries culturelles. Enfin, nous renforçons certaines fonctions transversales ou support en unissant les forces du ministère au sein du Secrétariat Général, pour être plus efficace.
Autre sujet brûlant : l’innovation de nos méthodes de travail. Le confinement permet d’expérimenter une nouvelle organisation du travail et de nouveaux outils collaboratifs : il faut surfer sur cette vague et avancer dans ce sens !
Pendant le confinement, une dynamique d’expérimentation de nouvelles formes de travail a été engagée : il faut surfer sur cette vague et avancer dans ce sens !
Pour cela, nous participons activement au mois de l’innovation publique en proposant des webinaires encourageant tous les agents du ministère à pérenniser ces pratiques. Un troisième gros sujet : la simplification des démarches usagers. À travers le projet “100% démat”, nous réalisons une refonte de nos process au service des métiers pour simplifier la vie des usagers et, de fait, celle des agents publics. Ils sont les premières victimes de cette complexité historique.
Jusqu’ici le ministère n’intervenait pas durant le mois de l’innovation publique, porté par la DITP. Cette année nous avons un programme d’une vingtaine d’événements en ligne pour nos agents autour des trois axes prioritaires que sont : le plan de relance, l’innovation des méthodes et la simplification usagers. Je ne sais pas si j’en suis fière, mais ça me fait du bien de sentir que je ne suis pas seule à m’investir sur ces sujets-là, qu’il y a une véritable dynamique autour de l’innovation publique, qu’une communauté se constitue et que le travail engagé “fait des petits”. Le ministère de la Culture est une structure « atomisée » composée de nombreux services déconcentrés : écoles d’architecture, d’art, musées et monuments nationaux, archives, bibliothèques, établissements du spectacle vivant… Dans cet environnement, fédérer une communauté d’acteurs qui veulent porter une action publique différente, moins en silos et plus ouverte, c’est important et ça fait du bien.
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Parce que je me sens à l’aise dans ce milieu et qu’il fait sens pour moi. Dans mes réseaux d’amis, je perçois à quel point il n’est pas toujours simple de trouver un sens à ce qu’on l’on fait. Moi j’ai le sentiment d’être utile, d’avoir de l’impact auprès des usagers et auprès des agents.
Pour moi, cette question du sens dans le secteur public s’est révélée encore plus vraie lors du premier confinement. Pendant la crise sanitaire, j’ai été mise à disposition en renfort auprès de l’APHP- Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. J’y ai dirigé le centre de télésurveillance médicalisée COVIDOM, une solution e-santé de télésuivi à domicile pour les patients porteurs ou suspectés Covid-19. Cette expérience a été particulièrement révélatrice du sens et de l’utilité des missions d’intérêt général. Cette période a provoqué un engouement, un volontariat et une mobilisation exceptionnelle : c’était une expérience managériale unique. Ce moment m’a beaucoup touché. Aujourd’hui je suis revenue à la Culture avec des missions toutes aussi urgentes : relancer un secteur sinistré, accompagner ses acteurs et réinventer les modèles économiques. J’ai un sentiment d’appartenance au sein du ministère, que je n’avais probablement pas en interministériel, les politiques publiques qui y sont menées sont passionnantes, nos matières sont belles et porteuses de sens.
Souvent dans l’administration, on veut faire de beaux jardins à la française : on lance des grands plans compliqués, en intégrant beaucoup de chantiers. Ces grands projets accusent une absence de résultats à court terme et les agents ont le sentiment de ne pas percevoir l’impact de leur action.
Souvent, on veut faire de beaux jardins à la française : on lance des grands plans compliqués qui accusent parfois une absence de résultats à court terme.
C’est pour cela que l’on essaye de prendre le contre-pied de ces approches historiques, en nous disant : faisons petit, faisons humble, expérimentons et communiquons sur les résultats concrets de nos actions. Par-delà les moyens et la volonté, il faut fixer des caps, prioriser les objectifs et identifier les bons projets. La culture c’est le monde du patrimoine, des conservateurs… L’innovation y est un mot qui interpelle !
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Un livre que j’adore : “La vie devant soi” de Romain Gary et un livre plus récent : “Yoga” d’Emmanuel Carrère. Pour l’anecdote nous pratiquons tous les deux cette discipline et nous avons un professeur commun.
« Mettons en commun ce que nous avons de meilleur et enrichissons-nous de nos mutuelles différences. » Paul Valéry.
Quand j’étais jeune consultante, quelqu’un m’a dit : “Si tu peux privilégier les échanges physiques plutôt que le téléphone, ce sera toujours mieux. Et si tu peux téléphoner à quelqu’un plutôt que lui envoyer un email, ce sera toujours mieux aussi. Il faut toujours privilégier le contact humain.” C’est quelque chose qui m’a marqué et que je trouve très juste : il faut oser, s’ouvrir, sortir de nos bureaux, parler aux autres, organiser des rencontres… C’est important, car on ne règle pas les problèmes par des emails.