Remy Pruniaux, est Directeur des programmes d’innovation & du futur du travail au sein du groupe SNCF. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa vision du secteur public.
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L’entrée dans le monde du travail est un moment clef, car c’est le temps des découvertes. Après un parcours littéraire, j’ai eu envie de m’engager dans des missions plus concrètes. Je me suis donc tourné vers les ressources humaines. Au fil des rencontres, j’ai eu envie d’explorer le monde du conseil. Après plusieurs expériences, j’ai décidé de rejoindre la société de conseil interne du groupe SNCF. Un poste qui regroupe tous mes sujets de prédilections : les ressources humaines, le conseil et l’innovation digitale. En effet, lorsque je suis arrivé à la SNCF, la direction du digital venait d’être créée, cela m’a permis de m’engager sur une mission d’open innovation. Le monde de l’innovation et de l’écosystème des startups a été pour moi une vraie découverte.
J’étais déjà convaincu des liens très étroits qui existent entre la transformation numérique, le conseil et l’innovation RH. La crise du covid a accéléré cette prise de conscience. Cela donne beaucoup de sens à mon travail.
Ma mission est intégrée à la direction du numérique du groupe SNCF, dans l’équipe stratégies et tendances. Mon rôle consiste à détecter toutes les tendances et les innovations qui pourraient impacter le groupe. Cela concerne principalement les innovations technologiques et industrielles mais également les innovations en termes de processus et de méthodes, de mobilité, de transition écologique ou encore les innovations RH avec un fort intérêt sur les questions relatives au futur du travail. Au-delà de détecter des innovations inspirantes, mon travail consiste à mesurer leur utilité pour le groupe, à vérifier qu’elles sont en phase avec nos valeurs et à étudier notre capacité à les rendre opérationnelles. Nous sommes une sorte de courroie de transmission entre l’écosystème d’innovation externe et les chefs de projets opérationnels internes.
Mon job se situe entre l’innovation, l’économie, le conseil, les ressources humaines… ce qui me passionne c’est la variété des sujets et l’interdisciplinarité. J’aime aussi le côté futuriste de mon job qui me permet d’explorer des sujets d’avenir et de toucher à ce qui n’existe pas encore. A titre d’exemple, bien que nous n’y sommes pas encore, nous nous questionnons sur le sujet “métaverse”, un terme utilisé pour décrire les mondes virtuels dans lesquels devront être inventées de nouvelles mobilités. C’est très stimulant d’être dans l’anticipation voire dans la science-fiction.
Il y en a plusieurs, je pense en premier lieu, au lab d’innovation informel qui s’est créé pendant le confinement en lien avec le réseau SNCF Mixité pour décrypter les nouvelles modalités de travail émergentes, les opportunités qu’elles permettent mais également les risques qu’elles supposent en matière de bien-être au travail. Nous avons ainsi participé au projet d’entreprise qui se dessinait en même temps pour définir les conditions du travail à distance.
Il y a encore beaucoup à inventer pour façonner le monde du travail de demain.
Je pense également aux “explorations thématiques” portées par mon équipe qui permettent de confronter différents points de vue d’experts internes sur des sujets divers comme le “Digital Workplace”. Ce sujet a basculé dans la réalité de manière inédite et soulève désormais des enjeux passionnants en termes d’usage, de management et d’autonomie. Pourtant, la culture du présentiel reste importante en France et le télétravail est souvent une variable d’ajustement pour les organisations. Il y a encore beaucoup à inventer pour façonner le monde du travail de demain.
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Les nouvelles technologies et le rapport à la donnée sont au cœur de la transformation du travail. L’automatisation des tâches induite par le numérique pose une grande question : est-ce que mon travail va disparaitre ou pas ? Bien que certains emplois soient plus touchés que d’autres, les études montrent que ce ne sont pas les métiers qui sont amenés à disparaître mais l’organisation du travail qui va se réinventer.
Les collaborateurs doivent apprendre tout au long de leur vie.
Je prends souvent l’exemple du comptable : le métier perdure mais s’adapte à l’usage de la donnée. Aujourd’hui les compétences d’un comptable se rapprochent de celles d’un data-scientist. Le gros sujet donc, c’est celui des compétences. C’est vrai pour les organisations et c’est vrai pour les collaborateurs qui doivent apprendre tout au long de leur vie.
Dans ce contexte, nous devrons nous rappeler cette phrase : “Ce que je sais, c’est que je ne sais rien.” Nous devrons sans cesse nous remettre en cause pour sans cesse nous renouveler. C’est un grand défi culturel en France, où la formation initiale dicte beaucoup la carrière.
Nous devrons sans cesse nous remettre en cause pour sans cesse nous renouveler.
Demain, notre vie professionnelle ne sera pas linéaire, elle sera composée de plusieurs métiers, de périodes de formation, de non-activité, d’engagement associatif, de bénévolat… Il y aura sans doute moins d’emplois tels qu’on les connaît mais il y aura plus de travail. Nous devrons, plus que jamais, nous interroger sur le travail, sur son sens et sur la place que l’on souhaite lui accorder dans notre vie.
Au départ, nous avions un pacte de stabilité avec les organisations. Ensuite il a eu un pacte autour des bénéfices mutuels : j’apporte mes compétences à l’organisation qui, en retour, m’aide à les développer. Désormais, le pacte s’articule autour des valeurs : les causes de l’organisation et sa raison d’être raisonnent en moi, donc je m’y engage. Cela bouscule complètement la manière dont les employeurs attirent les talents.
Aujourd’hui, il y a deux éléments au cœur de l’attractivité des talents : le sens des missions et la flexibilité du travail.
Je pense, chez nous, à un ancien trader qui a décidé de rejoindre la SNCF. Dans cette reconversion, il n’avait qu’une exigence : pouvoir télétravailler. Aujourd’hui il y a deux éléments au cœur de l’attractivité des talents : le sens des missions et la flexibilité du travail.
Les sujets de science-fiction et de mondes virtuels me passionnent depuis longtemps. C’est fascinant de voir qu’aujourd’hui, il s’agit quasiment d’une réalité. C’est aussi effrayant que passionnant.
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Celle de Marc Andreessen, entrepreneur et investisseur américain : “software is eating the world” en français : “Les logiciels dévorent le monde”. On voit bien à quel point, les logiciels et désormais les applications avec l’arrivée du smartphone ont petit à petit grignoté nos modes de vie, bousculé nos modes de travail et investi le monde industriel.
“Plus que de la science-fiction.” animé par le journaliste Lloyd Chéry. J’aime aussi beaucoup le podcast “Nouveau départ” de la spécialiste du travail Laetitia Vitaud. Enfin, je voudrais partager “Another podcast” de Benedict Evans, un des plus grands analystes du monde de la tech au sens large. Dans ce podcast on s’interroge sur l’impact des nouvelles technologies sur la société. Benedict Evans dit quelque chose que je trouve très juste : “Pendant 50 ans on a construit des voitures. Et les 50 années suivantes, c’est ce qui s’est passé autour de la voiture qui a façonné l’innovation.” Finalement la voiture, en soi, a peu évolué. En revanche, l’impact qu’elle a eu sur l’urbanisme, le commerce et la société a été énorme. Aujourd’hui c’est le smartphone qui réinvente la mobilité, la ville ou encore les interactions sociales.
Plus que jamais, il faut oser et tenter des choses pour soi. L’histoire nous montre que les signes noirs peuvent surgir à tout moment. Un autre conseil, c’est d’essayer de toujours rester fidèle à ses valeurs. Quand on sent qu’il y a un décalage, il ne faut pas insister. Ce n’est pas évident, notamment en début de carrière , mais je crois qu’il ne faut jamais perdre cela de vue.