Nous sommes allés à la rencontre de Samuel Goldszmidt, responsable de la Fabrique Numérique aux Ministère de la Transition écologique et Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Il revient sur la création de la Fabrique Numérique, incubateur de Startups d’État à destination des agents du ministère.
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Pendant mes études scientifiques et mes premières expériences professionnelles, j’ai eu la chance de rencontrer des penseurs de la technique, des philosophes, des ergonomes, des chercheurs, parfois des entrepreneurs. Il m’ont appris à comprendre et agir avec la technique – Internet essentiellement, et plus largement le numérique parce qu’il s’agit de technologies de rupture – au profit des pratiques humaines, vertueuses et adaptées aux enjeux du XXIe.
“La technologie est ni bonne, ni mauvaise, elle n’est pas neutre non plus.” [Melvin Kranzberg]
C’est assez incroyable comme la technique peut nous émanciper en tant qu’individu et collectif humain quand on arrive à se l’approprier, loin du digital bullshit. Le fil directeur de mon parcours c’est d’avoir contribué à rendre possible l’innovation (c’est-à-dire l’invention et sa rencontre avec des usages) dans les pratiques humaines en prenant appui sur la très singulière relation qu’entretiennent l’homme et la technique.
J’ai toujours été intéressé par les sujets d’intérêt général, parce qu’ils sont, par construction, complexes. Le numérique ne peut être vu comme un unique moyen de baisser les coûts. Et c’est rarement le cas in fine ; les investissements sont conséquents et les indicateurs de productivités parfois peu fiables. On doit envisager le numérique comme un moyen de donner du pouvoir d’action, de s’émanciper, de s’individualiser, de produire, acquérir et partager de la connaissance. On est là au cœur de la notion des communs numériques.
On doit envisager le numérique comme moyen de donner du pouvoir d’action aux agents publics.
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C’est un incubateur de services publics à l’ère numérique qui prend part à la communauté beta.gouv. C’est le lieu d’investigations, de constructions, de consolidations, de croissances et d’amélioration continue de services publics qui répondent à des changements de pratiques rendues possibles par les techniques numériques. Au début il y a eu beta.gouv à la Direction du numérique, puis après, et de façon évidente, il fallait que ces espaces d’innovation pour l’action publique se retrouvent dans les ministères – administration centrale, services déconcentrés et opérateurs, au plus proche des compétences métiers. En 2018, on a mis en place cet incubateur qui apporte aux agents, à travers le lean start-up et un programme d’intraprenariat, la possibilité de créer des services publics à l’ère numérique relatifs aux politiques publiques et missions du ministère, et qui ont de l’impact. Ces services sont conduits et produits par des agents publics, et pas seulement pour eux !
Je suis responsable de la Fabrique Numérique. J’anime cette belle communauté de “penseurs faiseurs”, où l’on essaye d’éviter les 3 tragédies :
On design des services utilisables, utilisés et utiles, aux usagers et au profit de l’intérêt général. On accompagne les agents publics dans la construction de ces services, qui captent de façon organique, réticulaires et itératives des usagers (citoyens, entreprises, associations …), et qui portent en eux un changement radical des pratiques de l’action publique et dont la croissance est progressive.
La Fabrique Numérique n’adresse pas que la mise en œuvre de politiques publiques. Elle adresse en parallèle aussi leur évaluation et leur conception à l’ère numérique – parce que la rupture, déjà bien entamée de la révolution numérique, ne doit pas appauvrir l’action publique. Celle-ci doit redessiner ses contours. Dans son exécution, cela commence par proposer un service à l’usager, puis à travers ce service à l’usager utilisé, on nourrit, par la data et par la compréhension fine des pratiques induites, nos politiques publiques sectorielles, qui sont capables de répondre alors au double défi de la transition numérique et écologique.
La rupture de la révolution numérique, ne doit pas appauvrir l’action publique.
Ce qui nous anime c’est d’être capable de mesurer l’impact des Startups d’État, le fait qu’elles soient utiles. C’est très important que nos équipes se dotent d’indicateurs qui leur permettent de vérifier que leur service est utile. On ne s’arrête pas à de la mise en œuvre, on cherche à mesurer si on est utile et ce sont des trajectoires très complexes. Quand on est dans une start-up privée, mesurer l’utilité revient à mesurer l’argent perçu, ça peut être compliqué, mais on s’en sort. Lorsqu’on touche à l’intérêt général c’est plus complexe.
DossierFacile : aide à constituer un dossier de location numérique de qualité pour les candidats à la location. Aujourd’hui, 10% de l’ensemble des baux signés par an passent par DossierFacile.
Trackdéchets : pour gérer la traçabilité des déchets en toute sécurité. Plus de 165 000 établissements suivent le traitement de leurs déchets connectés à un système de l’État temps réel.
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C’est lorsqu’on accompagne les agents à avoir de la croissance et de l’impact. C’est incroyable de les voir digérer des modes de faire “numériques” et se les approprier. Savoir qu’ils portent leur projet de façon singulière sur leur métier avec une équipe adaptée et engagée, c’est très gratifiant.
L’innovation publique dont je rêve est celle qu’on est en train de faire au sein du réseau beta gouv, … mais en plus grand ! Et c’est un rêve atteignable, parce que beta gouv, et plus largement la communauté des innovateurs public aujourd’hui, est mature et de taille critique. J’ai une chance incroyable de voir au quotidien des agents du ministère et leurs équipes (développeurs, chargés de déploiements, UX designer…), avec beaucoup d’engagement et de conscience professionnelle, porter des services publics à l’ère numérique.
L’innovation dont je rêve facilite la vie des usagers et des entreprises et porte une conception des politiques publiques qui répond aux enjeux d’aujourd’hui au profit de l’intérêt général – elle libère.
Il y a de la place au sein de l’État pour porter une action publique qui réponde aux enjeux d’aujourd’hui dans un contexte professionnel exigeant, dynamique et ouvert. S’investir pour l’intérêt général, c’est construire le monde qui vient. On dit souvent que les projets numériques, qu’ils soient publics ou privés, doivent être utilisables, utilisés, et utiles. Pour l’action publique, on doit être utile à toutes et tous, c’est un peu plus ambitieux.