Séverine NIRLO est directrice générale adjointe chargée de l’économie, de l’innovation, du numérique et de l’international à la Région Réunion. Dans le cadre de notre série “Women Challenge”* consacrée aux femmes dirigeantes territoriales, nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours, sa vision du service public et ses défis en tant que femme dirigeante.
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Après des études à Toulouse et un début de carrière à Montréal, j’ai décidé de retourner sur ma terre natale – l’île de La Réunion – et de rejoindre la fonction publique.
En 2006, la crise sanitaire du Chikungunya marque un réel tournant dans ma carrière. Ayant une bonne connaissance de l’environnement social et du réseau sanitaire du territoire, la Présidente du conseil départemental où j’exerçais à l’époque m’a proposé la gestion de la cellule de crise. J’ai pu gérer, au côté de l’Etat et de l’Agence Régionale de Santé, les politiques liées à la prévention et à l’aspect curatif de la maladie afin d’anticiper, de dimensionner et de gérer le plan d’action de la crise.
Cela faisait 7 ans que personne n’avait eu le concours d’administrateur territorial à la Réunion.
Le second temps fort de mon parcours a été ma préparation et ma réussite au concours (interne) d’Administratrice territoriale en 2011. Cela faisait 7 ans que personne n’avait eu ce concours à la Réunion. Ça a été un vrai tournant puisque cette expérience m’a permis de prendre du recul par rapport à mon fonctionnement. J’ai pu interroger mes pratiques managériales et découvrir de nouveaux outils de pilotage et de management. Les périodes d’immersion en collectivités ont été des expériences enrichissantes, notamment ma mission en Nouvelle-Calédonie. Toutes ces expériences m’ont permis de prendre un nouveau virage qui était celui d’accéder à une fonction de directrice générale adjointe (DGA).
Depuis décembre 2015, je suis à la tête d’une direction générale adjointe qui chapeaute cinq directions : les affaires économiques, l’innovation du développement numérique, l’export et l’internationalisation des entreprises réunionnaises et deux autres directions qui ont en charge l’instruction des fonds européens notamment pour soutenir le tissu industriel local, le tourisme, la recherche et l’innovation.
J’ai eu envie de contribuer au développement de mon territoire et participer à la vie locale. L’ancrage à la Réunion est devenu de plus en plus fort. La Réunion a un vrai potentiel mais si tout le monde fait le choix d’un départ sans retour : comment participer au développement de notre territoire ?
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La mise en place du “fonds de fonds” “La Financière Région Réunion” à savoir un fonds qui repose sur d’autres fonds (ici des fonds européens notamment le fonds européen de développement régional (FEDER)). La Région l’a créé en accord avec la Banque Européenne d’Investissement afin d’aider les entreprises réunionnaises : leur permettre d’emprunter à taux réduits ou d’augmenter leur capital. Pour ce projet, je me suis déplacée au Luxembourg et à la Banque Européenne d’Investissement pour négocier avec des experts en ingénierie financière. J’en suis doublement fière car la finance est un domaine peu féminisé (j’étais d’ailleurs la seule femme) et auquel on est peu acculturé lorsqu’on on est issu de la fonction publique.
En tant que femme et jeune femme, lors de mes premières expériences de management d’équipe, les premiers mois n’ont pas été simples mais pas uniquement avec les hommes. Au sein d’équipes composées de collaborateurs plus âgés, j’ai dû montrer que l’expérience peut se gagner avec l’âge mais aussi par le travail. En début de carrière, j’ai redoublé d’efforts pour gagner leur confiance, suite à cela une réelle cohésion d’équipe a pu voir le jour. Par la suite, j’ai parfois eu le sentiment, qu’en tant que femme, mes ambitions pouvaient être perçues comme une menace. Les freins sont parfois internes, tout le monde ne se réjouit pas forcément de voir entrer des femmes dans la haute administration. C’est devenu un défi, qui me conforte dans ma détermination. J’aime surpasser les difficultés. Je préfère m’aventurer dans des chemins sinueux que suivre des lignes déjà tracées.
Je pense qu’il faut être déterminé. Il faut aimer l’humain, se rendre disponible, et être à l’écoute. Il faut accepter de donner de son temps, être là pour soutenir ses équipes, et ce, même en dehors du temps de travail.
J’aime être dans la technique, je ne peux pas établir de stratégie si je ne comprends pas les aspects opérationnels.
Il ne faut pas avoir peur de mettre les mains dans le cambouis de temps en temps pour mieux comprendre la réalité du terrain. J’aime être dans la technique, je ne peux pas établir de stratégie si je ne comprends pas les aspects opérationnels. Il faut également être prête à se former tout au long de sa vie.
La crise de la COVID-19 m’a aidée à prendre du recul, elle m’a permis de me prouver que les projets et les actions que je mène ont un réel impact. J’ai longtemps hésité mais je pense être prête à me former pour accéder à un poste de direction générale des services en collectivité, dans une structure satellite ou parapublique.
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Christine Lagarde. Elle a relevé plus qu’un challenge : elle a réussi à évoluer dans le milieu de la finance, avec un niveau international et institutionnel majeur. C’est une femme réfléchie et posée. Elle m’inspire.
Humainement, je pense qu’il faut de l’écoute, de la rigueur, de la loyauté et de l’honnêteté. Professionnellement, il faut des compétences de pilotage de projets mais aussi des compétences techniques. Comme j’aime le rappeler à mes collaborateurs : un bon technicien se trouve facilement mais un profil technique qui sait être à l’écoute, animer et piloter des équipes, c’est une perle plus rare.
Je suis impliquée dans l’insertion et l’orientation des jeunes. Ce sujet m’anime car ce sont eux qui vont construire la Réunion de demain. L’éducation est un socle, un point central. La pauvreté en est un indicateur significatif. La Réunion est entourée de pays très pauvres comme Madagascar où les enfants n’ont pas l’accès à l’éducation.
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Les mots de Didier ROBERT, Président du Conseil Régional de la Réunion.
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* Cette série de portraits est réalisée dans le cadre du défi « Objectif parité 2021 » lancé par le Collectif Women Challenge créé autour de Clothilde Fretin-Brunet et Delphine Joly (dont nous faisons partie 😉 ) afin de mettre en lumière des femmes dirigeantes territoriales, d’encourager et d’accompagner celles qui souhaitent le devenir.
Ce projet est soutenu par le Ministère de la transformation et de la fonction publiques, des associations d’élus (Régions de France, l’Assemblée des départements de France, France urbaine, association des maires de France), des associations professionnelles (administrateurs territoriaux -AATF-, ingénieurs territoriaux –AITF-, dirigeants de collectivités –SNDGCT) ainsi que la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg.