Leïla Nciri est responsable de projets et responsable pédagogique au sein du Policy Lab, l’incubateur de Politiques Publiques de Sciences Po. Son défi ? Orchestrer un programme pédagogique innovant visant à former les étudiantes et les étudiants à la résolution collaborative de problèmes de politique publique actuels.
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Le “Policy Lab” est au cœur du projet pédagogique de l’École d’affaires publiques. À travers différents modules et méthodologies, il permet de former nos étudiantes et nos étudiants à de nouvelles manières de penser et d’aborder l’action publique. L’incubateur de Politiques Publiques est l’un des modules du Policy Lab. En son sein, les étudiants travaillent de manière collaborative, au contact du terrain et mobilisent leurs apprentissages au service de problématiques concrètes portées par des partenaires, qu’ils soient publics, privés ou associatifs.
Nous devons sans cesse renouveler la palette de nos cours pour nous adapter aux grands enjeux de notre temps. Face aux préoccupations sociales et aux défis actuels, numérique, environnemental, démocratique, il est particulièrement de notre responsabilité d’apprendre à nos étudiants à bien identifier et problématiser ses enjeux avant même de vouloir “y répondre”.
D’un point de vue pédagogique, il s’agit également de renouveler notre manière d’enseigner en nous adaptant au désir d’engagement des nouvelles générations et en proposant une pédagogie active et coopérative avec les élèves.
Nous avons fait le choix d’une méthodologie qui est celle du design appliquée à l’action publique dans le but de répondre à des défis proposés par des partenaires. Pendant un semestre les étudiants travaillent par groupe de 4/6 étudiants pour développer une solution concrète. Ils commencent leurs travaux sur le terrain pour apprendre à re-problématiser un défi en partant du besoin et des irritants exprimés par les parties prenantes.
Il s’agit d’apprendre à re-problématiser un défi en partant du besoin et des irritants exprimés par les parties prenantes.
En parallèle, ils bénéficient de cours théoriques et pratiques encadrés par des designers professionnels et d’un mécénat de compétences techniques pour le prototypage de leurs solutions. Ces prototypes peuvent prendre des formes très diverses : podcast, application mobile, wireframe de politiques publiques… Ce qui nous importe, c’est qu’ils puissent présenter leurs solutions sous forme de scénarios d’usage.
L’année dernière, à titre d’exemple, le groupe JCDecaux avait lancé aux étudiants le défi : “comment les acteurs privés peuvent contribuer à rendre l’espace urbain plus inclusif?”. Pour y répondre, les étudiants ont décidé de s’intéresser plus particulièrement à la place des enfants dans la ville. Sur le terrain, ils avaient remarqué que de nombreux acteurs publics et associatifs étaient engagés sur les enjeux tels que la place des femmes ou le sans-abrisme alors que, selon eux, les enfants sont des usagers impensés de l’action publique. L’immersion permet aux étudiants de se plonger dans un univers à géométrie variable pour challenger leurs a priori et leurs connaissances.
L’immersion permet aux étudiants de se plonger dans un univers à géométrie variable pour challenger leurs a priori et leurs connaissances.
La Fondation pour la recherche médicale avait quant à elle questionné nos étudiants sur des solutions permettant de lutter contre la défiance face à la parole scientifique. Suite à leur immersion, les étudiants ont fait le constat que la démarche scientifique était mal comprise et nécessitait plus de pédagogie. Ils ont donc présenté une solution d’application mobile mobilisant l’Intelligence artificielle pour clarifier la méthode scientifique.
Nous sommes deux responsables pédagogiques en charge de l’Incubateur de Politiques Publiques. Nous avons un rôle pédagogique en étant garants de la qualité des modules d’enseignement et de la pertinence de leur contenu. Nous sommes également responsables de la coordination de l’ingénierie pédagogique qui est mise en place. Nous assurons la relation avec les partenaires, le lancement des appels à défis, leur sélection… En coordination avec leurs professeurs designers, nous assurons le suivi des groupes étudiants et des projets menés.
J’aime l’équilibre entre le stratégique et l’opérationnel. Au quotidien, je suis à la fois dans la réflexion et dans le suivi concret des travaux avec les étudiants et les partenaires. C’est très plaisant d’interagir avec eux, de les voir grandir et de recueillir leurs retours sur le programme. Nos étudiants sont les futurs acteurs de l’action publique. C’est très riche pour moi de savoir ce qu’il garde de ces enseignements dans leurs postures professionnelles.
Mon métier nécessite de développer des qualités de médiation. Nous contribuons à impulser une culture design chez nos élèves et nous renforçons la sensibilité de nos professeurs designers aux sciences politiques. Nous sommes une sorte de liant entre le monde de la recherche, de l’enseignement, du design et des politiques publiques. Cette interdisciplinarité nous impose de la souplesse.
Je pense qu’en termes d’innovation publique nous devons réfléchir à comment permettre l’expérimentation et le test de manière un peu plus libre. Le droit à l’erreur est désormais reconnu et c’est une bonne chose. Et après ? Il me semble qu’il y a encore des leviers à imaginer pour fluidifier le passage du projet à l’expérimentation et à la normalisation.