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Inauguré au printemps 2019, le Ti Kub est le nouvel incubateur de services numériques de la Région Bretagne. Adossé au Ti Lab, laboratoire régional d’innovation publique, l’incubateur vise à améliorer le service public rendu aux usagers par le numérique. Pour sa création et son déploiement, la Région Bretagne a collaboré avec Hubvisory, agence de conseil spécialisée dans le Product Management et l’agilité.
Profil Public a rencontré Céline Faivre, Directrice générale adjointe (numérique, achat et juridique) au Conseil régional de Bretagne et instigatrice du Ti Kub et Martin Canton-Lauga, cofondateur d’Hubvisory. Enjeux, processus de création, difficultés rencontrées, découvrez comment la Région Bretagne a créé le Ti Kub !
Nous revenons sur ce sujet avec un dossier spécial « Ti Kub » en 2 articles.
#1 : pourquoi créer un incubateur de services publics numériques ?
#2 : comment le créer ?
Nous avons créé le Ti Kub pour être en capacité de proposer à nos usagers des services aussi performants et attractifs que ceux proposés aujourd’hui par les grandes plateformes numériques.
Martin Canton-Lauga : Un incubateur est une structure d’innovation hors les murs qui s’abroge de la structure historique, ici celle de la Région Bretagne, pour changer la culture et offrir une nouvelle façon de travailler. C’est un espace tiers qui permet de collaborer et travailler différemment sur une logique “startup”, plus horizontale, et davantage dans l’expérimentation.
Céline Faivre : Le Ti Kub est un incubateur de services numériques sur le modèle de celui développé par la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (DINSIC) : Beta.gouv, l’incubateur de services numériques qui accompagne les institutions et collectivités dans leurs projets de startups d’Etat ou de territoire. Nous souhaitons y développer des projets innovants d’ambition régionale au service des usagers, des administrations et de leurs partenaires. Il s’agit ainsi d’un lieu partagé, d’un outil fédérateur, ouvert aux acteurs publics et privés du territoire régional. Ce lieu doit nous permettre de concevoir différemment les produits et services numériques grâce à une approche pluridisciplinaire qui centre la création du produit et du service sur le besoin de l’utilisateur final.
Ce lieu doit nous permettre de concevoir différemment les produits et services numériques grâce à une approche pluridisciplinaire qui centre la création du produit et du service sur le besoin de l’utilisateur final.
En même temps, ce lieu a pour vocation de valoriser le savoir-faire de prestataires privés au bénéfice du développement des futurs produits et services numériques. Nous espérons développer de nouvelles interactions avec l’écosystème digital breton.
Céline Faivre : Parce que Ti Lab ! Et Ti a un sens propre en Breton : ça veut dire “la maison”. Nous voulions mettre en lumière la complémentarité du Ti Lab et du Ti Kub qui participent de la même volonté. Le Ti Lab est le laboratoire d’innovation, le Ti Kub est l’incubateur de services numériques. La cohérence et l’identité visuelle sont très importantes.
Martin Canton-Lauga : Hubvisory est une agence de conseil spécialisée dans le Product Management et l’agilité. Concrètement ? Nous transformons les organisations d’aujourd’hui par la création ou bien l’accélération de produits digitaux. Dans un environnement peu mature sur ce plan, nous incitons les organisations à créer des structures dédiées (incubateurs, digital factory ou lab selon le terme employé) et nous les accompagnons pour développer un espace et une organisation idéale pour l’accélération des produits digitaux.
Céline Faivre : La mise en place du Ti Kub s’inscrit dans le plan de transformation numérique lancé il y a deux ans et ses trois programmes (administration numérique, gouvernance des données, développement des compétences numériques) qui nous amène à promouvoir l’organisation du service public comme une plateforme. Nous avons pu identifier les nouveaux enjeux managériaux attachés au numérique : nécessité de décloisonner l’organisation administrative, de libérer la capacité des agents à être force de proposition et de faire en sorte qu’ils tiennent compte des besoins des usagers plus que des contraintes qui sont les leurs dans l’exercice de leurs missions. Nous voulons être en capacité de proposer à nos usagers des services aussi performants et attractifs que ceux proposés aujourd’hui par les grandes plateformes numériques (Google, Amazon, etc.) critiquables pour leur modèle social, les monopoles qu’ils créent et l’usage des données à caractère personnel qu’ils font.
Nous avons créé le Ti Kub pour être en capacité de proposer à nos usagers des services aussi performants et attractifs que ceux proposés aujourd’hui par les grandes plateformes numériques.
Martin Canton-Lauga : Le Ti Kub répond à un enjeu de digitalisation de l’organisation puisqu’il a vocation à créer des produits digitaux internes pour faciliter le travail au sein de la région et envers les usagers. La création du Ti Kub permet d’accueillir de nouveaux profils, tels que des développeurs, et de répondre aux risques auxquels fait face la région : retard, perte de confiance des usagers sur le plan numérique, concurrence par des structures privées sur les domaines de prédilection du domaine public. Il s’agit donc de rendre l’administration plus compétitive, plus performante et plus efficace en responsabilisant les agents de la Région.
Il s’agit de rendre l’administration plus compétitive, plus performante et plus efficace en responsabilisant les agents de la Région.
Céline Faivre : Ma conviction est la suivante. Nous avons tout ce que recherchent les grandes plateformes : un monopole de droit que nous octroie la loi, un client captif qui est l’usager du service public, ainsi qu’un territoire que l’on aménage depuis des années. A nous de construire maintenant les plateformes fondées sur les valeurs et principes du service public ! L’ensemble des produits et des services numériques constitueront des communs numériques qui s’intégreront aux plateformes auxquelles pourront accéder l’ensemble des usagers du service public demain.
L’ensemble des produits et des services numériques constitueront des communs numériques qui s’intégreront aux plateformes auxquelles pourront accéder l’ensemble des usagers du service public demain.
Martin Canton-Lauga : Avec son manifeste qui définit les règles de gestion et travail au sein de l’incubateur, cette nouvelle structure a pour objectif d’acculturer le collectif pour lui offrir l’esprit, la culture et l’expérience d’une nouvelle façon de travailler. Cette structure casse les silos de l’organisation actuelle, fait collaborer ensemble des agents qui n’en ont pas l’habitude et limite la hiérarchie pour faciliter la prise de décision et accélérer les processus. L’incubateur inculque également la prise d’initiatives, la prise de risque ainsi qu’une logique d’essai-erreur chez les collaborateurs de la Région Bretagne.
Céline Faivre : Le Ti Lab s’adresse aux besoins qui ne semblent pas liés à une solution numérique et invite les parties prenantes à se concerter pour qualifier le besoin tel qu’il est perçu et travailler dans des logiques de design de service. Parfois, une solution numérique est finalement la bienvenue pour répondre à ce besoin. C’est le rôle du Ti Kub de travailler sur cette solution numérique et de développer le produit fini. Dans le cadre de nos projets, le futur responsable du Ti Kub saura travailler avec le responsable du Ti Lab, pour créer un lien entre ces deux lieux innovants, qui développent des méthodes spécifiques en mettant en mouvement les agents et les usagers pour créer des services publics numériques en dehors des processus habituels.
Céline Faivre : Qu’on le veuille ou non, le numérique est aujourd’hui un mode d’accès aux services. L’accessibilité des services publics numériques fait l’actualité puisque le numérique peut accroitre l’exclusion dont certains citoyens souffrent déjà dans l’accès aux services publics. Le rapport du Médiateur des droits est très éclairant. Pour ma part, je considère que ce n’est pas tant le numérique qui exclut que le fait de ne pas avoir profité du numérique pour revoir nos processus. C’est le numérique ajouté à la complexité administrative qui exclut ceux qui l’étaient déjà (du fait d’une situation particulière). Ces lieux ont pour but de repenser l’administration et le service public.
👉 Découvrez la suite la semaine prochaine : comment la Région Bretagne a créé le Ti Kub ? quelles difficultés elle a rencontrées ?