Aujourd’hui, nous allons à la rencontre de Hanifah Locate-Moullan, directrice de la recherche et de l’Innovation au sein de la Région Réunion. Dans cette interview, elle nous fait découvrir son métier et sa vision du secteur public.
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J’ai toujours su que je voulais travailler pour la chose publique. Plus jeune, je disais souvent : “je veux faire de la politique”. Mon désir, ce n’était pas de devenir élue mais d’être de ceux qui travaillent à l’élaboration des politiques publiques. Pour y parvenir, j’imaginais faire Sciences Po mais comme cela n’a pas marché je me suis dirigée, un peu par hasard, vers une classe préparatoire littéraire.
Depuis toujours, j’ai à cœur de contribuer au système d’élaboration des politiques publiques.
Dans la continuité, j’ai fait une école de commerce qui proposait un parcours “chaire d’économie urbaine” spécialisé en marketing territorial et en politiques publiques locales. J’ai découvert, à travers mes expériences de stages, l’univers public et parapublic et c’est en tant que consultante pour le secteur que j’ai démarré ma vie professionnelle. C’était une belle manière d’explorer la variété des projets portés par les acteurs publics (collectivités, Etat, universités…). Ces projets étaient passionnants alors, très vite, j’ai décidé de basculer côté service public pour être au cœur du réacteur. Ce choix s’est couplé avec un désir de revenir sur mon île natale, la Réunion.
Depuis plusieurs mois, je suis directrice du pôle Recherche et Innovation au sein de la Région Réunion. Il s’agit d’une nouvelle direction qui oeuvre à promouvoir une recherche orientée vers la création de valeur économique et sociale. Mon défi consiste à rapprocher le monde de la recherche avec le tissu entrepreneurial local. L’économie réunionnaise est principalement constituée de petits opérateurs.
L’innovation est un levier de transformation central pour que nos entreprises répondent aux défis de demain.
L’enjeu de l’innovation dans les petites entreprises est au cœur de nos préoccupations. L’innovation est un levier de transformation central pour que nos entreprises soient en mesure de développer des solutions adaptées dans ce monde incertain. Pour moi, structurer cette nouvelle direction est également un défi managérial. Il s’agit de créer un collectif de travail engagé autour de ces enjeux de transformation.
L’engagement public est ma colonne vertébrale. Certains de mes anciens camarades de promo ou des collègues que j’ai eu l’occasion de croiser en cabinet de conseil subissent une forme d’usure professionnelle et de perte de sens. Dans le service public, j’ai le sentiment que le fait de s’engager pour les autres nous préserve quelque peu de ce type de désillusions.
Travailler pour une finalité qui dépasse la somme des intérêts individuels, c’est mon carburant. J’ai une chance supplémentaire, c’est le fait de travailler au service du territoire qui m’a vue naître et grandir.
Travailler pour une finalité qui dépasse la somme des intérêts individuels, c’est mon carburant.
La Réunion est un territoire ultra-périphérique, confronté à l’insularité, à l’exiguïté, à l’éloignement des marchés… Aider ce territoire à se développer et à s’inscrire dans une dynamique européenne, pour nos enfants et pour demain, c’est un merveilleux défi.
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Mon mari et moi étions partis très jeunes poursuivre nos études en France métropolitaine. Comme de nombreux jeunes issus des territoires ultramarins, l’envie d’explorer de nouveaux horizons a motivé cette expérience de mobilité. Chemin faisant et avançant dans la vie, nous avons ressenti l’envie de nous reconnecter à ce cadre de vie et à nos familles. Notre ancrage local est un levier d’engagement pour faire bouger les choses.
En travaillant à Paris, à Hong-Kong, Budapest ou Oxford, j’ai côtoyé des environnement professionnels très cosmopolites et internationaux. Revenir à la Réunion m’a demandé une réadaptation. Dans le monde professionnel, on apprend à travailler avec les autres. En cela, c’est un endroit formidable pour découvrir de nouvelles façons de faire et pour comprendre une culture.
Ici, l’écosystème est un noyau qui fonctionne en réseau. C’est notre force ! Lorsque l’on se connaît, les collaborations sont plus fluides. Cela donne une énergie particulière à ce territoire. Assez spontanément, les porteurs de projet recherchent l’adhésion de la Région. Au-delà d’un soutien financier, ils souhaitent trouver leur place dans l’écosystème local et contribuer aux transformations territoriales. Je pense notamment à un entrepreneur qui nous expliquait qu’à ses yeux c’était important que son projet (dans le domaine de l’éducation) ne soit pas déconnecté des orientations stratégiques de la Région.
L’adaptabilité. Dans le secteur public, nous jonglons quotidiennement entre le temps long et les urgences. Nous devons faire preuve d’agilité mais garder en tête notre feuille de route et nos objectifs.
De plus en plus, nous avons besoin de compétences en méthodologie de projet dans le secteur public. La nouvelle génération est mieux acculturée au travail en transversalité. Les candidats qui ont cette souplesse ont beaucoup à apporter à nos collectivités.
La nouvelle génération est mieux acculturée au travail en transversalité.
Nous devons aller chercher ces talents pour réinventer nos modes de travail dans le secteur public.
L’année dernière, nous avons élaboré une démarche de concertation territoriale sur les grandes orientations des politiques régionales en matière de développement économique. Parce qu’ils seront les citoyens de demain, il nous a semblé important d’inviter les jeunes à partager leurs aspirations. Leur vision est très éclairante. Je suis fière d’avoir innové dans nos méthodes de concertation, de sorte à être à leur écoute.