M’hamed Belhandouz, est Directeur Général Adjoint chargé de la solidarité et du vivre-ensemble à la Ville et la Métropole de Montpellier. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa vision du service public.
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Le premier moment clé est ma formation universitaire en aménagement du territoire dans laquelle j’y ai découvert une politique publique : la politique de la ville. Elle est au croisement des compétences et des problématiques, parce qu’elle nécessite la mise en place de partenariats entre différents acteurs et surtout parce qu’elle replace l’habitant au cœur, cette matière m’a passionné.
Le deuxième moment a été mon intégration au sein du département de la Haute-Garonne. Pendant 10 ans, j’y ai occupé différentes fonctions allant de chef de service à directeur adjoint dans le domaine de la politique de la ville, de la jeunesse et de l’habitat. Je garde un très bon souvenir de cette institution qui a été pour moi une belle école administrative.
Les “pas de côté” permettent de prendre du recul, de la hauteur en découvrant de nouveaux horizons et de nouvelles pratiques.
Enfin, dans un troisième temps, j’évoquerai deux expériences croisées. La première est ma prise de fonction en tant que professeur associé en aménagement du territoire à l’université où j’ai croisé les regards d’une équipe pluridisciplinaire. La seconde est ma décision de quitter l’administration pour mieux y revenir, en accompagnant une structure associative d’éducation populaire. Ces “pas de côté” permettent de prendre du recul, de la hauteur en découvrant de nouveaux horizons et de nouvelles pratiques.
Ces 3 temps forts ont guidé mon parcours vers les politiques d’amélioration de la qualité de vie des citoyens, de lutte contre les fractures territoriales et contre les inégalités sociales. Depuis, le fil rouge de ma pratique professionnelle s’articule autour d’une double dimension : la recherche constante de l’égalité d’accès et de l’équité dans l’accès aux droits.
J’ai intégré la Ville de Montpellier et son Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) en 2017, en tant que directeur général du CCAS et de la cohésion sociale avec pour missions la coordination de l’ensemble des politiques de solidarité, de lutte contre l’exclusion et contre les discriminations. Rapidement, on m’a confié la création d’un département “solidarité et vivre-ensemble” mis en place à l’échelle de trois entités : le CCAS, la Ville de Montpellier et la Métropole (Montpellier Méditerranée Métropole). Ce maillage institutionnel est important car cette nouvelle politique publique est assise sur l’engagement de proximité. Elle se réalise dans le cadre de l’action municipale et se projette dans l’anticipation des transformations à venir en matière de vivre ensemble, notamment autour des questions des déplacements, du logement, du développement économique ou encore de l’insertion.
Nous avons revu l’ensemble des politiques d’accueil au sein de Centre Communal d’Action Sociale (CCAS). Notre objectif visait l’amélioration des conditions de travail des agents parce qu’ils sont les premiers à accueillir la difficulté mais aussi, de fait, parfois la violence. Il était donc important de leur assurer des conditions de travail rassurantes, sécurisées mais aussi d’interpeller les citoyens afin de leur demander la manière dont ils souhaiteraient être accueillis et surtout leurs attentes vis à vis de leur CCAS.
Nous avons organisé des rencontres pour associer différents publics (séniors, personnes en recherche d’emploi, jeunes en difficulté, personnes en situation de handicap,…) et nous en sommes ressortis avec une série de propositions nous permettant de revoir complètement la manière d’accueillir les usagers. Et cela à travers 4 niveaux : une information rapide, une aide aux démarches , un accompagnement plus poussé avec les travailleurs sociaux lorsque cela est nécessaire, et enfin une aide à l’accès au numérique.
Je ne vois pas pourquoi nous devrions être dans des lieux austères sous prétexte que nous sommes dans des établissements d’accueil social. Je suis fier que nos usagers, nos concitoyens, arrivent avec une belle image de leur CCAS et se sentent accueillis dignement.
Je ne vois pas pourquoi nous devrions être dans des lieux austères sous prétexte que nous sommes dans des établissements d’accueil social. Je suis fier que nos usagers, nos concitoyens, arrivent avec une belle image de leur CCAS et se sentent accueillis dignement. Des conditions qui encouragent la bienveillance, qui permettent la patience et qui empêchent le sentiment d’incompréhension des usagers au regard de ce qu’ils vivent et des difficultés qu’ils rencontrent.
Plus jeune, j’ai bénéficié d’un accompagnement à la scolarité par une association de quartier dans la ville où j’ai grandi, Toulouse, et lorsque je suis devenu étudiant j’ai eu besoin à mon tour de donner. Je me suis d’abord engagé pour accompagner des collégiens dans leur réussite éducative et scolaire et j’ai continué à chercher à me rendre utile, à transmettre et à donner des clés de compréhension en parrainant des jeunes professionnels. Progressivement s’est bâti un attrait manifeste pour l’ensemble des politiques correctives, pour les politiques d’accompagnement et pour toutes celles qui placent les citoyens au cœur du processus. Choisir le service public, c’était choisir d’être acteur de cette philosophie : la parfaite convergence entre qui j’étais et ce que je voulais faire.
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Je vois se profiler deux écoles. Il y a celle du marketing de l’innovation où l’on tente d’avoir des “réponses à tout” et des outils opérationnels que l’on peut copier-coller à volonté. Et il y a une école qui consiste plutôt à changer notre façon de réfléchir et qui fait appel à l’intelligence collective. Je crois qu’il n’y a pas de “réponse à tout” : il y a des réflexions à engager, des expérimentations à mener, des champs du possible à imaginer en s’octroyant notamment le droit à l’erreur. Nous ne sommes plus dans des organisations hiérarchisées avec des chefs qui ont la science infuse et des agents qui exécutent, nous sommes loin de ces pratiques managériales. Donner du sens doit être la pierre angulaire de nos organisations. Par ailleurs, nous devons faciliter la participation, améliorer la relation usager/utilisateur/administration et rendre acteur nos concitoyens.
Il faut veiller à ne pas perdre le sens de la transformation publique en l’enrobant avec des outils de communication visuelle.
Je suis partisan de cette école qui souhaite s’interroger sur ses pratiques avant de vouloir apporter des réponses. Il faut veiller à ne pas perdre le sens de la transformation publique en l’enrobant avec des outils de communication visuelle. Les outils de la transformation publique doivent s’établir sur les valeurs fondamentales de l’éducation populaire : l’apprentissage et l’expression de la citoyenneté, la prise de recul, l’émancipation et la participation
A mes yeux, il est primordial de requestionner les notions de vivre-ensemble et de cohésion sociale. Elles ont été fragilisées et mises à rude épreuve par une vision économique agressive. Le contexte de crise que nous vivons a bouleversé l’ordre établi et la temporalité de ce qu’on imaginait être les échéances des transformations à opérer. Nous devons désormais réconcilier les citoyens et les acteurs publics notamment sur les enjeux de développement durable, afin d’œuvrer ensemble vers une transition écologique ainsi qu’ une nouvelle façon d’habiter le monde, de consommer, de travailler et de nous déplacer.
L’action publique de demain, c’est travailler à l’échelle du monde tout en créant des liens de proximité, au service des territoires.
Nous devons travailler sur des échelles du monde qui nous ont été imposées, tout en étant très clairement au service des territoires pour recréer du lien dans l’action publique de demain. Dans ce nouveau monde à bâtir, nous ne partons pas de rien mais de nombreux repères sont à créer et/ou à dépoussiérer.
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Le livre qui m’a marqué c’est “L’allumeur de rêve Berbères” de l’humoriste Mohamed Fellag. Ce livre m’a bouleversé car il a su tirer d’une situation violente, dans une période assez noire d’un pays, l’Algérie, une magnifique poésie. Dans le cadre de mes missions, face aux difficultés sociales que je rencontre, même si les décors sont parfois violents et les défis gigantesques, j’essaie de garder en moi ce sens de la poésie.
J’aime beaucoup les proverbes africains. L’un me touche particulièrement : celui qui nous rappelle que : “lorsque l’on sait d’où l’on vient, on sait où l’on va.” Lorsque l’on a des racines profondément ancrées dans des valeurs, qu’on a le corps dans la réalité et la tête dans l’anticipation et l’utopie, alors on est dans l’équilibre.
Il faut oser, et aller au-delà de ce qu’on s’imagine. Il y a une grande diversité de missions, des métiers peu connus et des possibilités d’évolution particulièrement intéressantes. Il y a une vraie richesse de compétences que l’on est amené à côtoyer et des politiques publiques dans lesquelles on inscrit notre action. J’ai eu la chance de pouvoir travailler dans le domaine de la culture, de l’éducation, de la jeunesse, de l’habitat, de l’aménagement du territoire… j’ai pû donner du sens à mon engagement professionnel, développer de nombreux projets de politiques publiques, bâtir divers équipements (Médiathèque, conservatoire, centre nautique, Centre d’Expérimentations et d’Innovation Sociale, …) et enfin découvrir de nombreuses villes, de changer de territoire en travaillant à Montpellier, à Toulouse ou encore à Marseille.