Virginie HALDRIC est Directrice générale des services au Conseil départemental du Var

« Soyons exemplaires et attentifs aux biais de genre qui appauvrissent nos organisations. »

Virginie HALDRIC est Directrice générale des services au Conseil départemental du Var. Dans le cadre de notre série “Women Challenge” consacrée aux femmes dirigeantes territoriales, nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours, sa vision du service public et ses défis en tant que femme dirigeante.

.

SES MISSIONS AU COEUR DU SECTEUR PUBLIC

.

🔑 Les temps forts de votre carrière ? 

L’étape vraiment fondatrice a été le premier poste de secrétaire générale qui m’a été confié en 1995 au sein d’une commune. J’y ai fait mes premières armes et d’entrée de jeu, il a été question de modernisation. La transformation publique est restée le fil conducteur qui a guidé tout le reste de ma carrière. 

Le choix qui a tout changé dans mon parcours professionnel : l’Institut national des études territoriales. Pendant longtemps, les grandes organisations publiques me semblaient lourdes et difficiles à faire bouger. Je me suis longtemps questionnée : est-ce que mon travail au sein de petites et moyennes communes peut avoir un intérêt pour des collectivités de taille plus importante ? Réussir le concours et intégrer les 18 mois de formation à l’Institut national des études territoriales (INET), c’est un grand cadeau dans une carrière. C’est la chance de côtoyer des très jeunes, de se faire bousculer, de questionner sa pratique et de se remettre en perspective.

Quand les circonstances nous offrent des opportunités professionnelles, il faut se montrer disponible et réactif.

Enfin, ma prise de poste au Conseil départemental du Var, car elle représente un changement d’échelle significatif pour moi qui étais jusque-là une praticienne de l’échelle communale. Aborder le sujet départemental, c’était sortir de ma zone de confort, appréhender un nouveau territoire, des éléments culturels et des paradigmes très différents de tout ce qui avait jusqu’alors marqué mon parcours professionnel. Cette opportunité s’est présentée tardivement, sans doute parce que je ne l’ai pas provoquée. Quand les circonstances vous offrent ce type d’opportunités, il faut se montrer disponible et réactif.

🔎 Vos missions actuelles ?

Le cœur de mes missions c’est avant tout le management à savoir la préoccupation que “la machine fonctionne”. C’est ce qui m’anime et c’est un goût que j’ai cultivé tout au long de mon parcours. J’ai la conviction chevillée au corps que nous, agents publics, avons un rôle fondamental à jouer dans nos communautés. Quelques soient nos responsabilités, nous sommes des maillons essentiels.

Quelques soient leurs responsabilités, les agents publics sont des maillons essentiels.

Le management c’est aussi mettre en œuvre un projet politique et faire en sorte que la démocratie fonctionne. Enfin, c’est la ferme conviction que les femmes et les hommes sont une ressource précieuse. Ainsi je mets mon énergie à faire en sorte que chaque personne trouve professionnellement sa place dans les organisations que je conduis. 

C’est un volet complexe qui demande de veiller à ne pas tomber dans la bien pensance, ne pas vouloir faire le bonheur des gens malgré eux, être très attentif à l’équité. Mais c’est aussi le plus gratifiant dans mon métier : se souvenir d’un collaborateur dont l’évolution interne a permis de pleinement s’épanouir.

🚀 Ce qui vous a poussée à rejoindre le service public ?  

Au départ je n’avais pas d’idées précises du métier que je souhaitais exercer. Le service public, ce n’était pas une vocation imprimée en moi. J’ai tenté différentes choses mais il se trouve que j’ai une facilité à répondre aux attendus des concours du service public. Au début de ma trentaine, je me suis pourtant demandée si je n’avais pas envie de faire autre chose : intégrer le secteur privé ou bien créer ma propre entreprise. Je ne manquais pas d’idées. Alors, j’ai pris le temps de faire un bilan de compétences et il est apparu que je n’étais pas aussi douée pour faire autre chose. Le secteur public correspondait assez bien à mon référentiel de valeurs et manifestement, j’étais plutôt bien orientée !

.

WOMEN CHALLENGE

.

💪 Une réussite dont vous êtes fière ?

Les projets dont je suis fière sont souvent des projets de modernisation : lorsqu’il s’agit de faire en sorte que des équipes se sentent mieux et produisent mieux. Dans mon premier poste, l’organisation interne, les outils de travail mais également les procédures de recrutement, la formation… tout était un peu “à l’ancienne”. Il était nécessaire de moderniser nos méthodes. Alors qu’Internet n’était pas encore développé et que nous travaillions encore sur le Minitel, nous avions la ferme volonté de mettre à disposition des agents des outils modernes, en l’occurrence la bureautique, permettant au secteur public d’entrer dans une nouvelle ère. C’était une expérience très stimulante. Par la suite,  j’ai souvent répliqué ce même type de fonctionnement : un diagnostic, un travail fort de modernisation des méthodes et des outils en place, la professionnalisation des collaborateurs et le déploiement d’une solidarité et d’un esprit d’équipe.

⛰️ Une difficulté ou un frein dans votre parcours ?

Je crois que pour les élus locaux, le directeur général des services est un homme. C’est un homme qui a entre 40 et 50 ans. C’est un homme vêtu d’un costume. C’est un homme qui a un langage relativement atone et peu spontané. Ce sont beaucoup de codes que je ne possède pas. Plusieurs fois dans mon parcours, j’ai perçu à quel point la recherche du collaborateur idéal, dans l’esprit d’un élu, ne correspondait pas à une femme.

Au quotidien, dans ma pratique, j’essaie d’être exemplaire et attentive aux biais de genre qui appauvrissent les organisations.

Je crois pouvoir dire qu’à chaque fois que j’ai été retenue sur un poste, cela a été le fait soit d’un travail jugé trop difficile pour qu’il y ait pléthore de candidats, soit de l’ouverture d’un recruteur sans préjugé de genre, d’âge, de race ou de formation. Au quotidien, dans ma pratique, j’essaie d’être exemplaire et attentive aux biais de genre qui appauvrissent les organisations.  

💡 Vos conseils pour évoluer et accéder aux postes de direction ?

J’ai un discours très simple : on entre d’abord et on voit après. Je me suis engagée dans l’association “Force Femmes” pour aider des femmes de 45 ans et plus à se réinsérer dans le monde professionnel. J’accompagne plus particulièrement celles qui envisagent d’intégrer le service public et c’est le conseil que je leur donne : rentrez d’abord, mettez toutes vos forces dans le fait d’être dans la place et vous verrez ensuite. C’est valable pour nous toutes. En tant que femmes, nous préférons souvent le faire au “faire-savoir”. D’une manière générale nous sommes moins présentes lorsqu’il s’agit de valoriser ou de récolter les fruits de notre travail. 

En général, les femmes sont moins présentes lorsqu’il s’agit de valoriser ou de récolter les fruits de leur travail.

C’est là où nous devons nous aider les unes les autres dans un esprit de sororité.

🎯 Votre prochain challenge ?

Faire en sorte que mes engagements au Département du Var débouchent sur quelque chose de vraiment positif pour les collaborateurs qui se sont engagés avec moi. Je suis très attachée à ce que l’énergie qui est mise, collectivement et individuellement dans ce travail de transformation, aboutisse à un mieux vivre au travail et à une meilleure performance publique.

.

SES CONSEILS & INSPIRATIONS

 .

💫 Une femme qui vous inspire ?

Il y en a beaucoup. D’abord je vais rendre hommage à ma promotion de l’Institut national des études territoriales (INET) puisque nous avions choisi Lucie Aubrac comme nom de promotion. A travers cette femme, il y a la résistance et ce qui m’a beaucoup touchée personnellement, c’est la dimension d’engagement de couple qui a été le leur avec Raymond Aubrac. Ce modèle d’engagement, qui trouve sa correspondance dans la vie privée, c’est quelque chose qui m’inspire énormément. 

Le deuxième modèle, c’est ma mère. Sans avoir accompli des choses extraordinaires, elle a réussi à transcender son éducation très traditionnelle pour mener une vie de femme libre et indépendante. Et puis dernièrement je me découvre une certaine admiration pour notre ministre, Amélie de Montchalin. C’est une femme qui “mouille la chemise” pour faire en sorte de donner à notre fonction publique une image moderne et attractive.

🦸‍♀️  Les qualités et les compétences qui font la différence ?

Il faut avoir une vision, nourrir sa réflexion avec ce qui fait le mouvement du monde et ne pas rester polarisé sur les sujets du quotidien. Quand on est agent public aujourd’hui, on doit se rappeler qu’on a un fort devoir d’exemplarité. Cela nous oblige à regarder avec attention les transformations du monde.  

Être agent public, c’est  regarder avec attention les transformations du monde.

A titre d’exemple, le numérique nous impose de poser un regard juste sur la diffusion de l’information, d’être inclusif et de prendre en compte la dimension environnementale dans chacun de nos gestes. Tout cela doit nourrir nos réflexions stratégiques et s’appuyer sur un devoir de lire, de s’informer, de se former et de se confronter. Il s’agit de prendre part à l’éclairage que nous voulons apporter, d’insuffler de la dignité, de la hauteur de vue et de la justesse dans l’action. Cela demande également de l’humilité car il ne s’agit pas de délivrer notre propre message mais de tirer une quintessence de l’information à laquelle nous avons accès.

Les causes qui vous tiennent à cœur ?

L’accueil de l’autre, la diversité, l’inclusion mais aussi la performance, l’engagement. Le plus important, selon moi, c’est d’essayer de discuter de ces sujets et de confronter nos idées. Je suis très attachée à l’ouverture et au débat, à la lutte contre les replis. Nous devons trouver l’équilibre : saisir toutes les opportunités offertes par la modernité, mais bien nous rappeler que nous sommes une espèce sociale. J’ai le sentiment que nous sommes à un tournant majeur de notre évolution : qu’allons-nous faire de cet outillage scientifique et technologique formidable à notre portée ? Je suis sûre que nous sommes capables d’en faire plus d’inclusion, plus de fraternité et plus d’ouverture.  

 

.

REGARD D’ÉLU.E

 .

Les mots de Marc Giraud, Président du Conseil Départemental du Var.

 

* Cette série de portraits est réalisée dans le cadre du défi « Objectif parité 2021 » lancé par le collectif Women Challenge dont nous faisons partie 😉 afin de mettre en lumière des femmes dirigeantes territoriales, d’encourager et d’accompagner celles qui souhaitent le devenir.

Ce projet est soutenu par le Ministère de la transformation et de la fonction publiques, des associations d’élus (Régions de France, l’Assemblée des départements de France, France urbaine, association des maires de France), des associations professionnelles (administrateurs territoriaux -AATF-, ingénieurs territoriaux –AITF-, dirigeants de collectivités –SNDGCT) ainsi que la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg.