Stéphane Vincent est co-fondateur et délégué général de La 27e Région.
La 27e Région est un laboratoire de transformation des politiques publiques. Cette association, installée à Superpublic dans le 11ème arrondissement et aux Halles Civiques à Belleville dans le 20ème arrondissement, teste en permanence de nouvelles méthodes d’innovation avec les acteurs publics. Acteur atypique, La 27e Région vient de fêter ses 10 ans et fait toujours bouger les lignes ! Nous sommes allés à la rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa personnalité.
J’ai un parcours atypique dans le secteur public. Je n’ai pas passé de concours et j’ai commencé ma carrière en gestion et marketing dans le secteur privé chez Canal + et La Redoute. En 1995, j’ai saisi une opportunité : la Région Limousin cherchait un responsable innovation et numérique. Je ne connaissais ni le Limousin ni le fonctionnement des collectivités territoriales mais j’y suis allé et ils m’ont fait confiance. A ce poste, j’ai permis l’accélération de l’arrivée de la fibre optique, la création d’un réseau d’espaces publics numériques et le développement de jeunes startups du Limousin à l’international.
Je n’en avais pas conscience jusqu’à peu mais je crois que le fait d’avoir pu bénéficier pendant plusieurs années d’une bourse pour étudier à l’IAE de Lille a été ce déclic. Sans action publique, je n’aurais pas bénéficié de ce type d’aide, ni du soutien de certains de mes professeurs. On a fini par oublier que le service public peut avoir un vrai impact sur le destin des gens.
Je suis co-fondateur de La 27e Région et je suis là pour impulser de nouvelles orientations et développer nos relations à l’international. Nous avons une organisation très « plate » au sein de La 27e Région, c’est-à-dire que chacun contribue aux orientations stratégiques. Mon but c’est de « défricher » l’action publique, de la sortir de sa zone de confort et de l’emmener vers d’autres cultures (design, arts etc.) L’action publique doit dialoguer avec d’autres cultures car on ne traite pas les problèmes avec les cultures qui les ont générés !
C’est cette capacité à se laisser surprendre et se renouveler. Je souhaite que nos portes soient grandes ouvertes pour susciter ces moments. Dans nos métiers, l’important est de savoir « zoomer » et « dé-zoomer » pour avoir aussi bien une vision des détails qu’une vision globale.
Je pense que nous avons deux gros enjeux. D’abord, nous n’avons vraiment traité que la partie visible de l’iceberg et il nous faut maintenant creuser plus en profondeur, travailler sur les questions culturelles, renouveler nos propres méthodes, être plus scrupuleux sur leurs effets. Nous faisons partie de ceux qui pensent que l’innovation publique est peut-être un concept déjà dépassé.
Ensuite, il faut s’ouvrir davantage aux logiques pluri-acteurs et pluri-disciplinaires, car le seul avenir crédible est dans des formes de coopérations totalement renouvelées, entre tous ceux qui cherchent à ré-outiller l’entreprise, les institutions, la démocratie, etc.
On nous voit souvent comme ceux qui ont popularisé des cultures comme celles du design ou de l’immersion dans l’action publique. Mais en réalité, nous défendons plus largement l’idée qu’il manque une culture de réflexivité et de « recherche-action » aux acteurs publics, c’est pourquoi nous travaillons beaucoup pour comprendre comment les collectivités territoriales pourraient se doter de leurs propres structures de recherche et développement, de leur laboratoire de recherche-action, comme nous le faisons avec la Ville de Paris notamment.
Au delà des valeurs classiques du service public, ce qui me guide, c’est la curiosité, la spontanéité pour continuer à se renouveler constamment, et la réflexivité afin d’examiner de façon critique sa propre démarche.
J’aime bien me définir comme un « pirate bienveillant » de la fonction publique ou « friendly hacker » en anglais.
Un de mes professeurs m’a beaucoup marqué dans mon parcours et il reprenait souvent la citation de Victor Hugo : « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». C’est un de mes rares enseignants qui liait véritablement le fond et la forme. Et c’est aussi une belle définition du design car la forme n’est pas une chose qui vient s’ajouter en fin de processus pour faire joli. Mais la forme doit être irriguée par le fond.
Plus jeune, je voulais être paléontologue…ça a peut-être un lien aujourd’hui avec mon travail de « défricheur » de l’action publique.
La clef, c’est la pluridisciplinarité. Les acteurs doivent échanger sur leurs pratiques et leurs méthodes. Par exemple, il est important de montrer en quoi un sociologue peut aider un designer dans son travail quotidien et inversement. Nous devons aller vers un plus grand dialogue interdisciplinaire.
Photo : © John Cleese