Laurence Quinaut est directrice générale des services de Rennes et Rennes Métropole.

« Stop à l’autocensure : nous sommes capables d’être directrices générales. »

Laurence Quinaut est directrice générale des services de Rennes et Rennes Métropole. Dans le cadre de notre série « Women Challenge 2021 »* consacrée aux femmes dirigeantes territoriales, nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours, sa vision du service public et ses défis en tant que femme dirigeante.

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SES MISSIONS AU COEUR DU SECTEUR PUBLIC

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🔑 Les temps forts de votre carrière ? 

Après une maîtrise de droit public à Paris Nanterre et ma formation Sciences Po Paris, j’ai réussi le concours de l’Institut National des Études Territoriales (INET) afin de rejoindre les collectivités territoriales. Un des moments forts de mon parcours a été mon premier poste à la ville de Besançon car une fois le concours de l’INET en poche, on commence rapidement à des postes à responsabilités. Ce n’est donc pas toujours évident de se faire une place lorsqu’on débute et qu’on se retrouve en situation de diriger des équipes.

En 2011, je suis devenue directrice générale des services (DGS) du Département d’Ille-et-Vilaine. Cela a marqué un second temps fort dans ma carrière puisque c’était mon premier poste de DGS et j’ai ressenti à ce moment-là le poids des responsabilités sur mes épaules. Je succédais à quelqu’un de respecté et admiré pour ses qualités de manager, c’était un sacré défi à relever. 

En 2014, je suis arrivée à la ville et métropole de Rennes. Avant de devenir directrice générale des services, j’occupais le poste de secrétaire générale chargée des fonctions ressources et des projets transversaux. C’était particulièrement intéressant car après avoir été directrice générale, j’avais de nouveau un supérieur hiérarchique (outre les élus bien-sûr). J’essaie de ne pas oublier les enseignements de cette période dans mes fonctions actuelles. 

🔎 Vos missions actuelles ?

Depuis 2017, je suis directrice générale des services de la ville et la Métropole de Rennes et j’ai rejoint par la même occasion le réseau BEST (Benchmark européen des services publics territoriaux) réseau informel de dirigeants de grandes collectivités françaises et européennes soutenu par France urbaine. Cela permet d’échanger régulièrement entre collègues car on rencontre souvent des problèmes similaires à nos confrères étrangers et on découvre de nouvelles solutions, de nouvelles manières d’aborder les problèmes.  

Intellectuellement c’est un métier très enrichissant et au cœur de l’actualité pour répondre aux besoins du territoire.

En tant que directrice générale des services, je suis en lien avec les élus pour les accompagner dans l’élaboration des politiques publiques. Intellectuellement c’est un métier très enrichissant et au cœur de l’actualité pour répondre aux besoins du territoire. J’adore la partie managériale de la fonction : la collectivité compte plusieurs milliers d’agents. Contribuer à créer un environnement et un esprit constructifs au sein de la collectivité est particulièrement stimulant. Et en fonction de l’actualité, je suis mobilisée sur des dossiers urgents ou sensibles comme ceux liés à la crise de la covid-19 en ce moment. C’est une partie du poste qui nécessite d’être flexible et de faire preuve d’adaptabilité.

🚀 Ce qui vous a poussée à rejoindre le service public ?  

Comme beaucoup de jeunes bacheliers, je ne savais pas vers quelle voie m’orienter et j’ai choisi de suivre des études de droit. Cela a été une vraie découverte, le droit public m’a ouvert les yeux sur le secteur public et l’importance des institutions publiques dans la structuration de la vie en société. J’ai alors pris goût à ces sujets. Je me suis donc ensuite assez naturellement dirigée vers le service public car sa spécificité est non seulement d’accompagner les évolutions de la société mais aussi parfois d’essayer de les infléchir. Je pense qu’il y a aussi une question de valeurs : j’ai été éduquée par ma mère dans l’idée que “le service public, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas”.

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WOMEN CHALLENGE

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💪 Une réussite (pro) dont vous êtes fière ?

Je suis assez fière d’avoir soutenu, au sein de la Métropole et de la Ville, la promotion d’un management bienveillant, de l’autonomie et de la responsabilité des agents. Lorsqu’on travaille dans une grande collectivité, l’organisation peut être un peu écrasante et déshumanisante pour l’individu. L’objectif est que les agents aient assez d’espace pour s’exprimer, critiquer et émettre des suggestions d’améliorations. C’est un facteur de bien être pour les agents dans leur environnement professionnel mais aussi un gage de qualité et d’amélioration du service rendu. Ce qui est le plus satisfaisant aujourd’hui, c’est de voir les équipes s’approprier cette démarche et prendre leurs propres initiatives.

⛰️ Une difficulté ou un frein dans votre parcours ?

Ayant eu des responsabilités relativement jeune, j’ai souvent eu l’impression que le plus gros frein était mon âge, qui faisait douter, du fait de mon manque d’expérience, de ma capacité à faire face aux difficultés. Je pense que dans mon milieu professionnel, celui des collectivités locales, l’obstacle majeur auquel les femmes doivent faire face est l’autocensure : le fait de douter de nos capacités et de nous persuader que nous ne sommes pas capables d’assumer des fonctions de direction.

Stop à l’autocensure, il faut oser candidater aux postes à responsabilité et ensuite, faire confiance à ceux qui nous recrutent : s’ils nous choisissent, c’est que nous en sommes capables !

Cela a aussi été mon cas quand j’ai postulé à mon premier poste de DGS, sur la suggestion de mon prédécesseur. Je me suis alors dit que je n’allais jamais y arriver. Stop à l’autocensure, il faut oser candidater aux postes à responsabilité et ensuite, faire confiance à ceux qui nous recrutent : s’ils nous choisissent, c’est que nous en sommes capables !

💡 Vos conseils pour évoluer et accéder aux postes de direction ?

Il faut faire ce qu’on aime, ce qui suscite notre intérêt et ne pas construire son parcours en fonction de carrières types. Il est aussi primordial de choisir un environnement dans lequel on se sent à l’aise puisque finalement, on est plus performant quand on perfectionne ses points forts qu’en travaillant ses points faibles. Ensuite, cela ne sert à rien de se comparer (à son prédécesseur, à son collègue…). Il y a une infinité de façon de bien occuper un poste. Le corollaire est de savoir faire confiance aux gens qui nous entourent.

🎯 Votre prochain challenge ?

Je ne raisonne pas spontanément par challenge car je n’ai pas l’esprit de compétition mais il me tient à cœur d’intégrer les questions de transition écologique. Elle doit impacter notre quotidien de fonctionnaires, conduire à des changements de pratiques professionnelles. Les collectivités dans lesquelles je travaille essayent d’encourager les initiatives :  on a par exemple lancé un « défi écologie » pour permettre à des agents (ou groupes d’agents) de proposer des initiatives écologiquement vertueuses dans leur environnement de travail. Et c’est très bien parti !

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SES CONSEILS & INSPIRATIONS

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💫 Une femme qui vous inspire ?

Je dirais Michelle Obama, pour son optimisme, son intelligence et ses valeurs. J’aime particulièrement son implication en faveur de l’égalité des chances ou de la promotion de l’éducation des jeunes filles à travers le monde. 

🦸‍♀️  Les qualités et les compétences qui font la différence ?

A mon sens, la valeur de la droiture est primordiale. Par droiture, j’entends à la fois l’honnêteté et la franchise, c’est ce qui garantit des relations saines avec sa hiérarchie, ses pairs comme ses collaborateurs.

Pour innover, il est important aussi d’être capable de se remettre en cause et d’accepter la critique.

Il est important aussi d’être capable de se remettre en cause et d’accepter la critique. Sinon, on risque d’être dans la reproduction au lieu de se laisser bousculer par les innovations apportées par les différentes parties prenantes de l’environnement professionnel. Et pour se remettre en cause, il faut fondamentalement avoir toujours envie d’apprendre et de progresser, c’est le moteur principal.

Les causes qui vous tiennent à cœur ?

L’accès à l’éducation pour tous et la promotion de la cause des femmes sont deux causes qui me tiennent à cœur. Je suis depuis plusieurs années marraine dans le cadre de l’opération Capital Filles, comme beaucoup de femmes de ma collectivité. Il s’agit d’une association nationale qui accompagne des élèves de Terminale dans leurs choix d’orientation. Notre objectif est de leur montrer qu’il faut avoir de l’ambition, qu’elles ont le droit de croire en leur rêve et qu’il ne faut pas se mettre de barrière. Au-delà de ce sujet, je pense qu’il y a un véritable problème sur la question de la diversité d’origine au sein du service public et que c’est sans doute un combat qui ne va pas être facile à gagner. Il existe certes une problématique sur la représentation des femmes mais il suffit de voir la faible place des personnes issues de l’immigration dans l’administration pour se rendre compte qu’il y a là aussi un challenge à relever !

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REGARD D’ÉLU.E

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Les mots de Nathalie Appéré, Maire de Rennes

* Cette série de portraits est réalisée dans le cadre du défi « Objectif parité 2021 » lancé par le collectif Women Challenge dont nous faisons partie 😉  afin de mettre en lumière des femmes dirigeantes territoriales, d’encourager et d’accompagner celles qui souhaitent le devenir.

Ce projet est soutenu par le Ministère de la transformation et de la fonction publiques, la CASDEN (banque coopérative de la fonction publique), France urbaine ainsi que la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg.