Aujourd’hui nous allons à la rencontre de Serge Guillemin, responsable performance et directeur de projet du Lab innovation de Grand Besançon Métropole. Dans cette interview, il nous fait découvrir son métier et sa vision de la fabrique des politiques publiques.
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J’ai consacré 15 ans de ma carrière au logement social, à une époque où cela relevait presque de l’engagement militant. En tant que responsable de la qualité, de la communication et des systèmes d’information, j’ai occupé trois fonctions stratégiques qui m’ont offert une réelle capacité d’action. Puis, j’ai eu envie d’évoluer sur un terrain de jeu plus vaste et j’ai rejoint la commune de Besançon en tant que responsable performance. Il s’agissait d’un service au service des autres dont la vocation était de simplifier et fluidifier les processus, mais surtout d’ancrer la voix des habitants au cœur de l’élaboration des politiques publiques.
Depuis octobre dernier, la collectivité a décidé d’ouvrir un laboratoire d’innovation publique. C’est un projet que nous avions dans les tiroirs depuis cinq ou six ans et que nous avons réussi à monter en trois mois, soutenus par les élus et la direction générale. Ce projet a marqué un tournant dans ma vie professionnelle car il a complètement changé notre logiciel de travail et parce qu’il a ouvert le champ des possibles en matière d’innovation publique.
Je travaille toujours sur les fonctions rattachées au service performance : suivi du projet d’administration, du plan de mandat, des audits internes, des démarches qualité et l’évaluation des politiques publiques. En parallèle, je pilote l’incubation de projets au sein du laboratoire d’innovation. Ces projets, majoritairement internes, sont initiés par les directions et les services en quête d’un espace de respiration pour repenser la fabrique des politiques publiques. Le lab propose une approche intéressante qui casse les codes : on passe d’une logique de grade à une logique de compétences.
Peu à peu, notre rôle évolue : de la facilitation et de l’accompagnement, nous glissons vers un véritable portage de projet. Aujourd’hui, nous sommes en recherche de partenaires pour dynamiser notre écosystème et enrichir nos pratiques.
Ce que je trouve génial, c’est être au cœur de la ville et vibrer avec elle. Les citoyens et les usagers sont là, avec nous, parfois en désaccord, mais toujours présents. Agir pour transformer un territoire, avoir un impact concret sur la vie de ses habitants et inventer des communs, c’est, à mes yeux, l’une des missions les plus nobles. Travailler dans la fonction publique c’est être un maillon utile dans la chaîne sociale.
En apportant ces éléments de sens et en défendant un management qui favorise l’autonomie et la capacité d’agir de chacun, attirer les jeunes générations n’a rien d’insurmontable. Au sein du Lab, je travaille aux côtés de jeunes agents publics engagés, profondément attachés à leur mission et à leur collectivité.
Il y a une centaine de lab territoriaux en France aujourd’hui. Le réseau des laboratoires d’innovation publique est un formidable incubateur pour inventer de nouvelles manières de fabriquer les politiques publiques.
Chez nous, le lab s’articule autour de 3 grands défis : renforcer l’hospitalité de la collectivité dans le cadre de son projet d’attractivité territoriale, soutenir activement la transition écologique du territoire et affronter l’incontournable serpent de mer de la simplification administrative. Inévitablement, la transition numérique s’invite aussi dans nos réflexions, avec une question qui est en train de tous nous bousculer : comment adapter nos pratiques à l’ère de l’intelligence artificielle ?
Le design ouvre de nouvelles perspectives. Par exemple, je collabore actuellement avec notre directeur des transitions sur un projet de design fiction visant à imaginer un futur désirable. Il ne s’agit pas de prédire l’avenir, mais de raconter des alternatives, d’explorer des trajectoires inattendues à partir d’une situation de crise. L’objectif ? Matérialiser des scénarios possibles, les mettre en débat, inspirer nos élus et, pourquoi pas, influencer nos politiques publiques.
Dès que nous avons présenté le projet, la Direction de la Culture a immédiatement souhaité s’y associer. Un groupe projet est en train de se constituer, réunissant des agents issus d’horizons variés. Car l’innovation, au-delà de tout, est un formidable moteur d’enthousiasme.
Aujourd’hui, c’est le lab lui-même qui me fait vibrer et dont je suis le plus fier. Nous sommes parvenus à créer un espace et une culture de travail qui est à mille lieux de l’image que l’on a de l’administration.
Des conseils et ressources pour monter en compétence sur ces sujets ?
Je conseille à celles et ceux qui souhaitent s’engager dans ce type d’aventure et qui souhaitent se constituer une boîte à outils, de regarder les ressources disponibles. Elles sont nombreuses, libres d’accès et très bien faites. Je pense, par exemple, à nos collègues de Bretagne qui ont créé un site utilo qui est un couteau suisse de la facilitation et du design dans les collectivités. En matière de lecture, je suis en train de lire “La banlieue du turfu” une contre-histoire de la banlieue et des cités qui fait du bien car elle balaye par le design fiction et la philosophie, un certain nombre de clichés profondément ancrés. L’auteur parvient à prouver que c’est un terrain de rêve et d’imaginaire. Ce livre fait changer de focale et résonne complètement avec mon métier et l’ADN de l’innovation publique.
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