Aude FOURNIER est directrice générale adjointe des services au Département du Nord. Dans le cadre de notre série “Women Challenge”* consacrée aux femmes dirigeantes territoriales, nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours, sa vision du service public et ses défis en tant que femme dirigeante.
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Mon premier poste d’encadrement à 30 ans. Pour la première fois, je manageais une équipe de 10 cadres et une assemblée de plus de 80 conseillers, tout en travaillant sur un panel de politiques publiques extrêmement varié. C’était un poste challengeant et une expérience très apprenante pour moi par la diversité des missions qui étaient les miennes. J’y ai reçu beaucoup de confiance et d’autonomie.
La deuxième grande étape a sûrement été ma scolarité à l’institut national des études territoriales (INET) qui m’a permis d’explorer un spectre plus vaste de la gestion publique, de cheminer et de m’interroger sur mes aspirations… À la faveur des immersions en collectivités, j’ai choisi un des plus beaux métiers : les ressources humaines. En ligne de mire : la transformation de l’action publique.
C’est la compétence, l’engagement et la motivation des femmes et des hommes qui font vivre le service public au quotidien qui sont les vecteurs de la transformation publique. Pour moi, la meilleure façon d’avoir de l’impact, c’était d’accompagner ces femmes et ces hommes.
Le service public c’est l’interaction humaine par excellence : nous ne vendons pas de produits, nous rendons un service, utile et adapté aux besoins, qui est un bien commun. C’est donc la compétence, l’engagement et la motivation des femmes et des hommes qui font vivre le service public au quotidien qui sont les vecteurs de son amélioration continue et de ses transformations. Pour moi, la meilleure façon d’avoir de l’impact, c’était d’accompagner ces femmes et ces hommes.
C’est forte de ces convictions que j’ai rejoint le Département du Nord en tant que directrice des Ressources Humaines, aux côtés du Vice-président en charge des ressources humaines, pour réussir en charge d’une feuille de route ambitieuse et complexe. Tout était nouveau pour moi et exaltant : les compétences départementales, le territoire, le contexte… A 40 ans, j’y suis devenue Directrice Générale Adjointe à l’appui d’un projet passionnant au cœur de la transformation publique.
Mon projet de DGA “Partenaire et Ressources” consiste à remettre l’usager, collaborateur ou citoyen, au cœur de nos actions : en faisant évoluer les projets des directions, proposant un accompagnement et des méthodes nouvelles de management du changement, notamment basées sur l’agile et la pensée design. Ces démarches ne sont jamais des fins en soi, elles sont pertinentes si elles répondent aux besoins des agents et de l’organisation. Mon parcours m’a permis je crois de conscientiser, avant tout le reste, cette nécessité de porter des actions publiques qui répondent aux besoins. Mon engagement actuel pourrait être résumé ainsi : prendre soin des agents afin qu’ils prennent eux-mêmes soin des usagers du service public.
Formée initialement aux affaires européennes, le choix de rejoindre les collectivités territoriales s’est construit au fil des opportunités et de mes expériences. Dès mon premier poste, les sujets que j’abordais au sein du Conseil Economique, Social et Environnemental Régional (CESER) du Grand Est, m’ont passionnée. Ma première mission restera toujours gravée dans ma mémoire : à l’époque, en collaboration avec un sous-préfet chargé de mission sur le sujet auprès du Préfet de Région, nous avons travaillé sur la prévention et la lutte contre l’illettrisme. Une collaboration très inspirante au service d’un problème de société qui concerne toutes les collectivités, les services de l’Etat, les entreprises et les associations… J’ai tout de suite perçu un intérêt très direct pour les thématiques qui ont trait à l’humain.
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Je dois dire que, même dans des environnements de travail « masculins », on m’a fait confiance, même très jeune, et j’ai eu la chance de ne jamais avoir été freinée dans le développement de mon potentiel. J’ai aussi pu apporter des méthodes nouvelles qui ont été accueillies avec curiosité et enthousiasme.
Mais, ce qui peut être difficile à gérer aujourd’hui, en tant que femme, c’est la conciliation de la maternité et d’une carrière ascendante et prenante. Pendant le congé maternité, les choses bougent sans vous. La nature a horreur du vide et des jeux d’acteurs nécessitent alors de reposer les règles à votre retour. Ce problème est sûrement vécu aussi par les personnes revenant de long arrêt maladie. Dans un pays où le culte du présentéisme est très présent, la maternité est d’ailleurs encore assimilée à de l’absentéisme. Cette confusion est symboliquement violente car la maternité n’est pas une maladie. Quand on porte la vie, on porte une énorme responsabilité qui nous impose de prendre ce temps pour soi.
La maternité est encore souvent comptabilisée dans les chiffres de l’absentéisme. Mais il y a une confusion : la maternité n’est pas une maladie.
Aussi, investir dans une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle permettra à plus de femmes mais aussi d’hommes de trouver leur équilibre et de contribuer par leur engagement simultanément à la performance du service public et à leur bien-être. On ne devrait pas avoir à choisir entre la parentalité et la carrière ! Plus globalement, j’ajouterais que les biais sexistes sont culturellement ancrés y compris chez nous les femmes : nous devons donc veiller à ne pas nous positionner nous-mêmes dans des rôles qui ne nous conviennent pas ou qui nous empêchent de rêver plus grand.
Bien choisir son premier poste car c’est souvent celui qui permet de monter d’un cran et de s’épanouir. Dès lors, la dynamique est lancée. Bien sûr, les retours en arrière sont possibles mais le plus souvent, a fortiori dans l’administration où les strates et les niveaux hiérarchiques sont très lisibles, la dynamique de carrière est plutôt ascendante : augmentation de taille de collectivité, de niveau de poste, du nombre d’agents managés, du montant des budgets pilotés, etc. L’important est d’être en accord avec soi et de ne pas vivre ce passage au management dans la souffrance, or c’est encore trop fréquent! Et surtout ne jamais hésiter à demander un accompagnement pour progresser surtout sur les postes à très forts enjeux !
La transition numérique. Alors que le monde du travail ne cesse de se digitaliser, et qu’il nécessite de plus en plus de compétences numériques pour tous, il est de notre devoir d’employeur public d’y former nos agents d’autant plus que ces compétences, valables au niveau professionnel le sont aussi dans leur vie personnelle.
Les agents publics sont des citoyens-usagers comme les autres.
Banque, procédures administratives, santé… tous les secteurs de nos vies se dématérialisent, au détriment malheureusement des relations humaines. Nous ne devons pas oublier que les agents publics sont des citoyens-usagers comme les autres. La grande cause nationale de l’inclusion numérique les concernent donc tout autant, si ce n’est doublement ! La simplification administrative est un autre de mes chevaux de bataille car elle doit s’imposer comme un fil rouge de nos transformations, notamment numériques.
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Toute femme qui s’engage pour une cause qui lui tient à cœur m’inspire de fait : celles qui agissent avec le cœur pour faire valoir leurs convictions, qui y mettent de l’énergie et la communiquent. Les femmes qui prennent des risques, les courageuses et les pionnières m’inspirent. Vous l’aurez compris, j’apprécie avoir de multiples sources d’inspirations et je me nourris de cette diversité !
Les femmes qui prennent des risques, les courageuses et les pionnières, m’inspirent.
C’est évidemment vrai pour les hommes aussi !
La pugnacité. Quand on mène des projets, qu’on manage des équipes ou qu’on souhaite évoluer dans sa carrière, une qualité est indispensable : l’endurance. On s’en rend compte aujourd’hui dans le contexte de crise sanitaire : on était partis pour un sprint et on doit finalement courir un long marathon, ne rien lâcher, s’accrocher, rebondir, faire preuve de persévérance et de résilience. Ce ne sont pas de vains mots dans le contexte actuel.
Au-delà de préserver un service public qui fait la fierté du “modèle français”, mon combat quotidien c’est d’accompagner tous les collaborateurs, femmes et hommes dans leurs parcours, de capitaliser sur leurs énergies et de les révéler.
Prendre soin… afin que personne ne reste sur le bord du chemin d’un monde en mouvement permanent.
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Les mots de Jean-Luc DETAVERNIER, Vice-Président du Conseil départemental du Nord.
* Cette série de portraits est réalisée dans le cadre du défi « Objectif parité 2021 » lancé par le collectif Women Challenge dont nous faisons partie 😉 afin de mettre en lumière des femmes dirigeantes territoriales, d’encourager et d’accompagner celles qui souhaitent le devenir.
Ce projet est soutenu par le Ministère de la transformation et de la fonction publiques, des associations d’élus (Régions de France, l’Assemblée des départements de France, France urbaine, association des maires de France), des associations professionnelles (administrateurs territoriaux -AATF-, ingénieurs territoriaux –AITF-, dirigeants de collectivités –SNDGCT) ainsi que la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg.